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Les critiques de Bifrost

Critique parue en juillet 2004 dans Bifrost n° 35

Délaissant le roman pour une histoire de facture plus classique, Georges Foveau complète ses Chroniques de l'empire Dlée avec Les mines de l'Est, quatrième (et dernier ?) volume d'un cycle original de fantasy à la française.

Fidèle des descriptions riches en adjectifs évocateurs, Foveau développe à sa vitesse un texte riche, beau et parfaitement ciselé, propulsant son héros fétiche dans un complot sordide : malgré la tutelle du premier ministre Rahaguen, le jeune empereur Rasmine n'est pas encore totalement débarrassé des vieux démons de l'empire. Témoins, ces nobliaux amers et méprisants, furieux de voir leurs privilèges s'étioler au fil des mois, au profit d'une caste roturière de basse extraction. En bonne logique scénaristique, un complot se prépare, mélangeant intrigues classiques et alliances monstrueuses avec la mal absolu, les séides de Mogart Priack, déjà responsables d'une tentative d'éradication de toute vie (ce qui a le mérite d'être radical), et avides de faire renaître leur démon préféré… Échappant de justesse à une tentative de meurtre, le Grand Quisiteur Soze, désormais au-delà de la quarantaine, se rend à l'Est de l'empire, bien décidé à comprendre ce qui se trame dans cette région sur laquelle circulent les rumeurs les plus folles… Et les plus effrayantes.

Malgré une plume juste et douloureusement précise, malgré un style inimitable et musical, malgré l'évident plaisir que procure la lecture des Mines de l'Est, force est de constater que la trame même de l'histoire est tristement classique et sans surprise. Le Mal guette. Le voilà prêt à se réveiller. Mais le Bien veille. Après quelques aventures (et quelques trahisons plutôt prévisibles), le Bien gagne. Il ne reste plus qu'à meubler, ce que Georges Foveau fait avec grand talent…

C'est dommage que tout ça n'aille pas plus loin, car la fantasy souffre justement de cette puérile polarisation entre le bien et le mal, de ce manichéisme permanent qui plombe même les textes les plus audacieux. Un défaut d'autant plus regrettable que l'esthétique des romans de Foveau est irréprochable (un grand bravo à l'éditeur, pour sa ligne graphique sobre et élégante) et qu'on a véritablement affaire à un écrivain de tout premier ordre. Il ne nous reste plus qu'à attendre la même plume acérée et le scénario imparable pour lire le prochain chef d'œuvre du fantastique français. Patience, ça vient.

Patrick IMBERT

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