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Les critiques de Bifrost

Les Olympiades truquées

Joëlle WINTREBERT
LE BÉLIAL'
240pp - 12,00 €

Critique parue en octobre 2024 dans Bifrost n° 116

[ Ce billet porte sur La Guerre olympique et Les Olympiades truquées ]

Parus initialement en 1980, à quelques semaines d’intervalle et à l’approche des Jeux Olympiques de Moscou, une édition marquée par le boycott de nombreux pays occidentaux suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, La Guerre olympique de Pierre Pelot et Les Olympiades truquées de Joëlle Wintrebert ressortent aujourd’hui, à quelques semaines d’intervalle et à l’occasion d’autres Jeux Olympiques, ceux de Paris, dans un contexte international au moins aussi riant.

De ces deux romans, La Guerre Olympique est sans doute le plus daté, mais son propos n’est pas obsolète pour autant. Au début du XXIIIe siècle, le monde est toujours divisé en deux blocs, Blancs et Rouges, libéraux d’un côté, socialo-communistes de l’autre. Mais la guerre traditionnelle a cédé la place à une autre forme de combat, la guerre olympique. Tous les deux ans, les plus grands athlètes des deux camps s’affrontent dans des joutes souvent brutales, du résultat desquelles dépend le sort de millions d’individus, criminels de droit commun ou opposants politiques sacrifiés sur l’autel de ces nouveaux jeux du cirque. Ils sont le prix à payer pour assurer la paix et la stabilité des deux blocs, et accessoirement lutter contre la surpopulation.

La Guerre olympique adopte différents points de vue, celui de Pietro Coggio, champion français qui ne vit que pour le sport, celui de sa compagne, Virginia Vorane, observatrice privilégiée du cirque médiatique qui entoure ces jeux, ceux de Yanni Bonnefaye et Mager Cszorblovski qui, chacun d’un côté de la frontière, se demandent s’ils survivront à l’épreuve suivante. À travers ces personnages, Pierre Pelot fait le portrait d’un monde condamné à la stagnation, où l’individu, simple anonyme ou héros adulé des foules, n’est qu’un pion sacrifiable à tout moment.

Toujours pertinent du point de vue politique et social, La Guerre olympique est aussi et surtout un roman qui se lit d’une traite, encadré par deux morceaux de bravoure, les épreuves sanglantes auxquelles Coggio participe, dont la violence vient percuter le lecteur à chaque phrase. Prévoyez une trousse de secours avant d’attaquer ce bouquin.

Du côté des Olympiades truquées, les J.O. ne sont que l’un des nombreux thèmes abordés par Joëlle Wintrebert et constituent le point de mire des différents protagonistes. L’action se situe dans un futur relativement proche, un monde où les manipulations génétiques sont monnaie courante et où les clones ont une existence légale. Le roman s’intéresse plus particulièrement à deux d’entre eux, Maël, née du désir d’un homme de retrouver son épouse décédée, et Sphyrêne, conçue en laboratoire pour devenir une nageuse d’exception. Deux parcours totalement différents qui finiront pourtant par se croiser, dans les coulisses des jeux olympiques de Téhéran.

Les Olympiades truquées est un roman que Joëlle Wintrebert a eu l’occasion de réviser à plusieurs reprises, au fil de son parcours éditorial. C’est une œuvre dense, qui donne à voir une société transformée en profondeur par le génie génétique. Du féminisme au contrôle des populations, de l’eugénisme à la transsexualité, le roman brasse large et, dans ses spéculations, opte le plus souvent pour le pire. Malgré l’envergure du projet, l’autrice ne se perd jamais dans les détails et signe un livre maîtrisé du début à la fin, cohérent et abouti.

 

 

Philippe BOULIER

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