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Les critiques de Bifrost

Les Planétaires

Les Planétaires

John BRUNNER
MNÉMOS
880pp - 38,00 €

Bifrost n° 110

Critique parue en avril 2023 dans Bifrost n° 110

De John Brunner, on retient principalement les visions dystopiques d’un proche avenir. L’écrivain britannique de la New Wave a acquis une notoriété internationale grâce à quatre romans : Tous à Zanzibar (1968), L’Orbite déchiquetée (1969), Troupeau aveugle (1972) et Sur l’onde de choc (1975), récemment réédités chez Mnémos en omnibus sous le titre La Té­tralogie noire (2018). Mais John Brunner a aussi écrit de nombreux space opera. C’est ce pan de son œuvre que l’éditeur nous propose de découvrir à travers une sélection de huit romans, dont deux sont inédits, regroupés dans Les Planétaires. Si ces textes remplissaient pour l’auteur une fonction alimentaire, comme le note Patrick Moran qui a dirigé, préfacé et révisé les traductions de cet omnibus, il serait erroné de les considérer comme des œuvres secondaires. Écrits entre 1965 et 1982 et produits de leur époque, les récits proposés accusent certes la patine du temps, et n’échappent pas aux clichés du héros compétent ou à des conventions sociales datées. John Brunner prend toutefois le contrepied du space opera classique et détourne le genre dans une approche moderne et sociale, loin du triomphalisme des récits de conquête intergalactique.

Huit romans, huit planètes. C’est le program­me proposé dans Les Planétaires. L’ordre de présentation des textes fait le choix judicieux d’une chronologie interne plutôt que par date de publication. Contant une histoire de l’humanité sur des milliers d’années, ils forment aussi une boucle thématique. Futur proche ou lointain, en présence d’autres espèces ou seule dans l’univers, l’humanité réveille toujours les mêmes démons lorsqu’elle se confronte à des mondes étrangers. Les deux premiers romans, Éclipse totale et La Planète asile, font le récit de la colonisation difficile de planètes éloignées aux premiers temps de l’expansion humaine dans la galaxie. Éclipse totale tente notamment de comprendre comment une civilisation avancée peut disparaitre soudainement. Dans Le Long Labeur du temps, l’humanité est désormais installée sur plusieurs mondes, chacun possédant son propre système politique et sa propre culture. Les so­ciétés n’évoluent plus au même rythme, les anciennes colonies s’émancipent et, dès sa naissance, l’empire galactique doit se réinventer pour ne pas disparaitre. Les trois textes suivants, Les Vengeurs de Carrig (inédit), Polymath et Les Réparateurs de Cyclops (inédit) forment une trilogie dite des rescapés de Zarathustra. L’humanité, devenue une société galactique utopique, socialement et technologiquement très avancée, se voit confrontée à une diaspora humaine retombée à un stade préindustriel suite à une catastrophe cosmique. La question de l’ingérence est soulevée alors que des agents infiltrés observent le développement de ces sociétés isolées. Vingt ans plus tard, Iain M. Banks créera le cycle de « La Culture » sur les mêmes bases. Enfin, Les Dissidents d’Azrael et Les Dramaturges de Yan, deux récits se déroulant plus loin encore dans le futur, déclinent à leur manière la question de la menace existentielle abordée dès Éclipse totale, et mettent en lumière la fragilité des civilisations usées car trop anciennes.

Par le choix des textes qu’il met en avant et un agencement intelligent, Les Plané­taires offre au lecteur une passionnante ex­ploration du space opera selon John Brunner. Hautement recommandable.

FEYD RAUTHA

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