Peter F. HAMILTON
BRAGELONNE
528pp -
Critique parue en avril 2019 dans Bifrost n° 94
Premier tome d’une nouvelle trilogie, Les Portes de la délivrance était très attendu par le lectorat de Peter F. Hamilton, car après des années passées dans l’univers du Commonwealth/du Vide ou celui, aux fondamentaux similaires, de La Grande route du Nord, l’auteur allait enfin proposer un contexte inédit. On pouvait donc espérer quelque chose de très différent, mais cet espoir est rapidement déçu, puisque ce nouvel univers utilise le même élément central, des portails permettant de voyager instantanément d’un endroit à l’autre, y compris sur des distances interstellaires. Et ce n’est que le début en matière d’exploitation d’idées déjà vues : outre le fait qu’il réutilise ses propres fondamentaux (menace extraterrestre, infiltration alien, les portails, équivalent des ombres virtuelles, importance des terroristes, personnage de l’enquêteur tenace, etc), Hamilton puise aussi lourdement chez d’autres auteurs, principalement Dan Simmons (maison aux pièces situées sur différentes planètes), Orson Scott Card (copie servile de La Stratégie Ender, mais en mode Young Adult), Arthur C. Clarke, David Brin ou Liu Cixin. En matière d’originalité, donc, c’est raté, même si ce point ne gênera pas ceux qui ne connaissent ni l’œuvre de l’auteur, ni celles des écrivains dont il s’inspire.
Le problème est que les défauts de ce roman ne s’arrêtent pas à un manque flagrant d’originalité : mêlant trois lignes narratives situées en 2204, dans le passé et au 51e siècle, le récit fait de la digression la règle et propose une structure très lourde, multipliant les modes de narration (première ou troisième personne du singulier) et les points de vue, voire les époques (les flashbacks se passent dans cinq périodes différentes, six en comptant le prologue). Ajoutons à cela une tendance au tirage à la ligne encore plus flagrante que d’habitude, le ton « jeunesse » pénible de la partie située dans le futur, sans oublier certains flashbacks manquant d’intérêt, et on obtient un roman qui multiplie les maladresses.
Toutefois, même conscient de ces faiblesses, on ne peut balayer d’un revers de main ce nouveau roman d’un des maîtres du new space opera : l’univers, même s’il n’est pas original, reste intéressant, voire parfois fascinant (notamment dans la coexistence difficile entre une culture classique majoritaire et une autre, post-pénurie, minoritaire), l’intrigue se fait plus prenante à mesure que l’on progresse, certains personnages (et les relations tissées entre eux) ou flashbacks se révèlent attachants. S’il ne s’agit ni de l’univers original attendu par ses fans, ni du meilleur des livres d’Hamilton, ce roman se révèle un honnête NSO — beaucoup s’en satisferont.