Les Prairies bleues reprend la trame convenue du récit initiatique où le héros passe, via une quête, de l’adolescence à l’âge adulte. Adulte, le héros l’est déjà ici, marié et père de deux enfants : Walter Franklin est forcé de quitter son élément premier, l’espace, pour en apprivoiser un nouveau, l’océan. Sa quête sera de reconstruire sa vie sur sa planète natale et de s’occuper de la protection et l’élevage des baleines, source primaire de nourriture dans un monde en pleine évolution. Classiquement, le livre se divise en trois parties – l’apprenti, le gardien, le directeur – qui retracent la nouvelle carrière de Walter Franklin et qui montrent son évolution tant professionnelle que personnelle.
Écrit en 1957, d’après une nouvelle de 1954, ce roman est daté par sa structure et son approche très limitée du rôle de la femme : le héros est bigame sans que personne n’y trouve à redire, et sa seconde épouse abandonne une carrière scientifique prometteuse pour rester à la maison s’occuper des marmots (sic). Par d’autres aspects, notamment le réchauffement climatique qui a conduit à une hausse du niveau des océans et à la nécessité d’en protéger la faune et la flore pour nourrir l’humanité, il s’avère d’une étonnante modernité. Certains de ses éléments (gouvernement mondial, bouddhisme prédominant) se retrouveront quelques décennies plus tard dans Les Fontaines du Paradis, situé dans un univers très similaire, mais nettement moins macho. Pour autant, même si Les Prairies bleues est un livre facile à lire et plaisant, il n’est pas indispensable dans la bibliographie d’Arthur C. Clarke. Les péripéties s’enchaînent sans réelle importance autre que de montrer la progression de Walter Franklin et expliquer sa carrière prestigieuse. Ce roman est surtout l’occasion pour Arthur C. Clarke de parler de son amour de l’océan et de ses créatures, mais également d’avancer certaines idées comme le passage de la consommation de viande de baleine à celle des baleines laitières pour remplacer les vaches. Il renferme de belles envolées, mais sans la puissance évocatrice des Enfants d’Icare ou de Rendez-vous avec Rama. À réserver aux passionnés de plongée et/ou de cétacés.