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Les critiques de Bifrost

Les Premiers hommes sur la Lune

Wernher VON BRAUN
ALBIN MICHEL
96pp -

Critique parue en juillet 2019 dans Bifrost n° 95

On pourra s’étonner de voir le père des fusées modernes en auteur de roman. À l’origine, il s’agissait d’une série d’articles pour This Week, revus et complétés par la suite, afin de donner à lire autrement que par des explications techniques ce que l’envoi d’hommes dans la Lune suppose comme compétences. Les marges n’en sont pas moins noircies d’abondantes notes et des encarts dispensent d’autres précisions. Une copieuse préface répond aux questions des lecteurs, plus centrées sur les aspects secondaires, souvent philosophiques, de la conquête : pourquoi aller dans l’espace, n’a-t-on pas assez de problèmes sur Terre, existe-il de la vie ailleurs, et même n’est-il pas impie de s’aventurer dans le royaume de Dieu ? L’ouvrage est abondamment illustré par Fred Freeman, qui signe aussi l’aplat de couverture, dans un esprit très proche de celui de Brantonne.

On suit donc John Mason et Larry Carter, deux pilotes, à l’entraînement puis sur la Lune. Autant le dire tout net : la narration est réduite à la portion congrue. John et Larry se contentent d’agir conformément à leur mission, ce qui n’empêche pas les notes de suspense : le premier chapitre s’achève sur une panne de batterie. Chaque avarie est l’occasion de présenter un point de protocole. Les protagonistes ne sont que peu affectés, même si on les dit inquiets, excités ou déçus. Il est en effet précisé qu’ils sont entraînés à contenir leurs émotions. On ne peut s’empêcher malgré tout de constater une certaine morgue quand leurs interlocuteurs terrestres sont qualifiés de rampants.

La narration devient plus vivante vers la fin, lorsque Larry chute et perd connaissance en se blessant à la tête contre un instrument à l’intérieur de sa combinaison. La porte extérieure du sas refuse de se fermer, ce qui remet en cause le retour dont le long compte à rebours a commencé. Les ennuis du retour, avec un impact de météorite, installent un climat où alternent de tension et détente, toujours dans une optique didactique.

Quelques notes relatives à la Lune, comme l’absence de poussière, ont été démenties depuis. En soi, c’est un documentaire historique de première main, le plus précis qu’on puisse espérer pour voir en situation les aspects techniques de la conquête spatiale à un instant précis. Si l’ensemble est peu vivant, cette curiosité (encore trouvable d’occasion) n’en offre pas moins un aperçu du savoir de la NASA neuf ans avant Apollo 11, délivré par le plus au fait de ses concepteurs.

Claude ECKEN

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