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Les critiques de Bifrost

Les Profondeurs de Vénus

Derek KÜNSKEN
ALBIN MICHEL
544pp - 24,90 €

Critique parue en octobre 2023 dans Bifrost n° 112

Les Québécois dans l’espace, pourrait-on ainsi sous-titrer ce nouveau roman de Derek Kunsken, comme un clin d’œil à la dédicace à tous les membres de sa famille, à son casting quasiment exclusivement composé de membres d’une seule et même famille, les d’Aquillon, et à l’emploi permanent de termes de canadien français. Ces Québécois, donc, travaillentdansl’atmosphère d’acide sulfurique de Vénus, sur des chalutiers, créatures volantes créées par bio-ingénierie qu’ils habitent, et extraient des gaz et métaux des rares sources à leur disposition, ce qui leur permet tant bien que mal de survivre, et ce d’autant plus que les d’Aquillon n’ont pas très bonne réputation auprès des autres familles etdesBanquesayantpermis cette colonisation. Quand, soudain, père et fils font une fantastique découverte dans les profondeurs de Vénus susceptible de leur rapporter beaucoup d’argent… mais qu’il leur sera difficile de garder secrète.

Derek Künsken nous revient avec un roman à l’ouverture idéale, à savoir la description d’une société de prime abord impossible à concevoir, mais que l’auteur nous présente avecforcedétailstechniquesquinousla rendent peu à peu vraisemblable. Le world building est ici extrêmement travaillé, sous des atours de science pas trop hard mais un peu quand même. Puis survient la découverte, à la surface de Vénus que peu explorent, révélation qu’on se gardera de dévoiler ici, mais de celles qui vous font frétiller d’excitation tant les promesses de développements possibles sont nombreuses et ébouriffantes. On se retrouve un peu comme les singes de Clarke et Kubrick quand surgit le monolithe noir, et on a hâte que l’exploration de cette fabuleuse trouvaille démarre réellement. Et c’est là que le bât blesse. Car Künsken va ici surtout s’intéresser aux problèmes techniques que pose la mise en place des moyens d’exploration dans cette atmosphère hostile, mortelle à certains endroits (90 atmosphères, 450° Celsius) et une société où tout le monde surveille tout le monde en permanence. De sorte qu’on assiste à de nombreux morceaux de bravoure, pas désagréables en soi, inventifsendiable,maisquinefontpasavancer la résolution des mystères liés à la découverte initiale. Qui ne sera donc finalement pas traitée ici, mais dans le deuxième tome (The House of Saints, paru en août dernier en VO), et c’est bien dommage compte tenu des promesses initiales, qui frustre au plus haut point le lecteur, et confère au final à ces Profondeurs de Vénus le statut de préquelle rythmée, plaisante et aux protagonistes attachants, mais inachevée.

Bruno PARA

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