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Les critiques de Bifrost

Les Quatre Vents du désir

Les Quatre Vents du désir

Ursula K. LE GUIN
LE BÉLIAL'
448pp - 23,90 €

Bifrost n° 107

Critique parue en juillet 2022 dans Bifrost n° 107

Les éditions du Bélial’ publi­aient en 2018 le recueil de nou­velles Aux douze vents du monde d’Ursula K. Le Guin (cf. Bifrost n° 91), alors inédit en français depuis sa publication originale en 1975. Poursuivant la mise en lumière de la forme courte dans la production pléthorique de l’autrice célébrée pour ses cycles de romans, l’éditeur réédite cette année le recueil Les Quatre vents du désir, d’abord publié aux États-Unis en 1982, puis sorti en France chez Pocket en 1988. Ces deux recueils ont en commun la particularité d’avoir été établis par l’autrice elle-même, et leur présentation, l’agencement des nouvelles, fournit le regard interne de l’architecte sur une œuvre en construction. Ainsi le choix des textes, dans son éclectisme, se doit d’être lu lui-même comme un geste de création, et une prise de parole de l’autrice par-delà les textes individuels. Pour accompagner ce témoignage à la première personne, cette nouvelle édition s’ouvre sur une magnifique préface de David Meulemans, fondateur des éditions Aux Forges de Vulcain, et grand connaisseur d’Ursula Le Guin, et se referme sur un long entretien mené par Hélène Escu­dié en 2002 dans le cadre de la thèse qu’elle a consacrée à l’autrice. Ces deux contributions à l’ouvrage offrent un paratexte tout à fait exceptionnel, qui éclaire la démarche littéraire et les thématiques qui imprègnent les écrits d’Ursula Le Guin.

Les vingt textes ici regroupés datent de 1974 à 1982. Ils sont organisés suivant six directions et autant de parties constituantes du recueil : Nadir, Nord, Est, Zénith, Ouest, Sud. Très astucieusement, le premier texte donné à lire est « L’Auteur des graines d’acacia », qui, en quelques pages consacrées à la thérolinguistique, c’est-à-dire l’étude du langage des bêtes sauvages, tente une définition de la poésie, et de l’art de la communi­cation. Puis, tout s’y mêle : de la poésie pure (« Premier rapport du naufragé étranger au Kadanh de Derb ») à l’humour potache (« Intra­phone »), de la fable linguistique (« L’Auteur des graines d’acacia ») au récit d’exploration extrême (« Sur »), jusqu’à l’inversion des figures classiques (« Le Récit de sa fem­me »). Mais ce qui frappe le plus à la lecture de ce recueil, c’est la force des récits dystopiques, montrant un futur des plus som­bres (« La Nouvelle Atlantide », « Le Test », « Le Journal de la Rose »). Le lecteur, suivant ses inclinations, ne trouvera pas un intérêt égal à tous ces textes. Il y a une claire volonté de montrer les différents aspects des expérimentations littéraires – et c’est le terme qui s’impose – entreprises par l’autrice. Mais il y a des perles, ces textes qui rendent incontournable le recueil : « Le Test », « Le Journal de la Rose », « L’Œil transfiguré », « Les Sentiers du désir », « Sur ». Ce dernier, récit féministe et humoristique, a d’ailleurs reçu le prix Locus en 1983 – à l’image de l’ensemble du recueil, d’ailleurs. La réédition en grand format de Les Quatre vents du désir s’inscrit dans une activité éditoriale hexagonale plus vaste qui replace Ursula K. Le Guin sur le devant de la scène depuis quelques années. Ce recueil en est l’une des étapes essentielles. En attendant la suite…

FEYD RAUTHA

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