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Les critiques de Bifrost

Les Rails d'incertitude

G.-J. ARNAUD
FLEUVE NOIR

Critique parue en février 1997 dans Bifrost n° 4

 

« Le rail sera un trait d'union entre tous les hommes civilisés… Je persiste à dire que dans un environnement aussi effroyable, les hommes doivent rester soudés entre eux… Le rail transmettra un jour l'énergie jusque dans les coins les plus reculés. Il apportera de la nourriture, permettra des échanges. Les trains seront de véritables villes en déplacement avec tout le confort, des magasins, des théâtres, des jeux, des hôpitaux… »

Avec cette nouvelle série, G.J. Arnaud retourne à l'univers de son cycle de La compagnie des glaces, succès historique de la S-F française des années quatre-vingt (62 volumes et un jeu de rôles), que le Fleuve Noir a récemment entrepris d'intégralement rééditer sous la forme de gros bouquins (façon « Super Poche a) contenant chacun quatre tomes de l'édition originale.

Ainsi, avec Les rails d'incertitude, nous voilà environ un siècle après la glaciation qui anéantit la civilisation humaine sur Terre telle que nous la connaissons — et deux siècles avant l'avènement des Compagnies ferroviaires décrit dans la première série.

Question ambiance et intrigue, G.J. Arnaud connaît son ouvrage et nous restitue sans peine une atmosphère sombre et… glaciale. La seule « chaleur humaine» en ce monde d'après l'apocalypse n’a rien de tendre : la barbarie animale igloos où, parce qu'on vous interdit de parler (histoire d'économiser de précieuses calories), on a cessé de réfléchir. Ailleurs, c'est l'esclavage. Les survivants dans cette région du globe, sont deux cents tout au plus - et prêts à s'entretuer. Le jour où la communauté la plus puissante doit évacuer son abri ménagé par les feux d'une centrale atomique ensevelie sous le permafrost, une seule certitude est à l'ordre de jour: ça va saigner.

 Pour les personnages, nous voilà dans la peau de Sadon, un de ces chasseurs barbares qui a su préserver juste assez d'humanité pour ne pas être massacré une fois surpris dans la caverne du Village. Protégé, ou plutôt exploité par Rogger, le conducteur d'une locomotive montée sur crampons, Sadon va épouser ses convictions, convictions selon lesquelles le salut de l'humanité réside dans la mise en place d'un réseau de communication ferroviaire entre les survivant. Mais les intentions de Rogger sont loin d'être humanitaires.

Un roman réussi, prenant. Mais un roman qui suit sans coup férir la « tradition francophone» : un seul point de vue, une intrigue linéaire et de regrettable ellipses. Ainsi des batailles finales nous verrons en définitive très peu, tout simplement parce qu'Arnaud a concentré sa, trame sur son héros. Doubler ou tripler les points de vue aurait contribué à rendre le roman plus riche - mais aussi davantage épais.

Plus positivement, on constatera que la démarche de l'auteur — bâtir une nouvelle série pour mettre en scène les origines de la première — n’a rien de commercial : faire dans le commercial aurait, par exemple, consisté à reprendre les aventure de l’un des héros de la première série. Avec les Chroniques Glaciaires, Arnaud a choisi de développer son univers, ce qui tend à caractériser l'attitude d’un véritable maître de la Science-Fiction.

David SICÉ

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