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Les critiques de Bifrost

Les Royaumes du mur

Robert SILVERBERG
LIVRE DE POCHE
6,90 €

Critique parue en janvier 2008 dans Bifrost n° 49

Roman méconnu et pourtant très typique des « purs produits silverbergiens », Les Royaumes du mur s'articule entièrement autour d'une seule et brillante idée. C'est l'usage chez Silverberg et c'est aussi la raison pour laquelle nombre de ces romans souffrent de longueurs inutiles alors qu'ils auraient fait des nouvelles aussi épatantes que percutantes. Les Royaumes du mur n'échappe pas à cette règle, mais Silverberg agit en grand professionnel et capture d'entrée de jeu son lectorat en martelant un scénario qui ne peut tout simplement pas ne pas captiver le lecteur. Histoire initiatique qui relève autant de la fantasy que de la S-F (et qui n'est pas sans points communs avec la très belle nouvelle de Ted Chiang « La Tour de Babylone » — dans le recueil éponyme, chez Denoël « Lunes d'encre »), le roman érige le mystère en décor, voire en personnage, alléchant immédiatement le lecteur par la promesse d'une révélation forcément ébouriffante : sur une planète éloignée, un peuple vit au pied d'une montagne. Immense, infinie, verticale, « Kosa Saag » (c'est son nom) incarne « Le mur ». C'est aussi, à l'instar de nombreux mythes humains, le siège des Dieux. Des Dieux jaloux et autoritaires, confortablement installés au sommet de ce qui est, par essence, inaccessible et étranger. Et Robert Silverberg de s'attacher à l'initiation, à la vie et enfin, au voyage de Poilar Bancroche qui, comme le veut une tradition immémoriale, dirige l'expédition annuelle vers le sommet. Une promenade, on s'en doute, tout sauf amusante, d'autant que les rares pèlerins redescendus de la montagne y ont tous laissé quelques neurones, voire beaucoup plus que ça. L'expédition parviendra-t-elle au sommet ? Quelles surprises attendent les pèlerins ? Et quelles désillusions ? Sur ce pitch aussi universel que prenant, Silverberg déroule une histoire qui, si elle ne manque évidemment ni de sel ni de talent, n'en reste pas moins un peu trop évidente pour emporter la partie. Les ennuis s'accumulent, les dangers se multiplient et la révélation finale est… finale, justement, preuve qu'une seule idée ne fait pas un livre, aussi pagre turner soit-il. Malgré ces défauts évidents, Les Royaumes du mur a le mérite de revenir aux fondamentaux en s'alignant sur un sense of wonder millimétré, tout en s'offrant le luxe d'approfondir le thème de l'autorité, de la divinité et, plus généralement, de la crédulité face au Mythe. On connaît l'affection de Silverberg pour les légendes et les grands mythes de l'humanité, Les Royaumes du mur en est la manifestation directe, à défaut d'être inoubliable.

[Lire également l'avis de Philippe Boulier.]

Patrick IMBERT

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