De Martin Lessard, on connaissait jusqu’à présent Terre sans mal, un roman paru en « Lunes d’encre » (Denoël), et Durée d’oscillation variable, recueil édité par l’éphémère structure Long Shu Publishing. Le voici revenu avec un deuxième roman – qu’on aurait néanmoins aimé voir déverminé des nombreuses coquilles qui l’émaillent – chez le petit éditeur rennais Ad Astra.
Sur Temporadas, Ana vit au sein d’un archipel dont certaines îles ont été peuplées par la Fédération et d’autres par la République, à savoir les deux instances dirigeantes et antagonistes de la diaspora humaine. Du haut de ses 17 ans, Ana est en conflit ouvert avec son père, qui la réprimande continuellement et à qui elle reproche en retour son manque d’ouverture. La cellule familiale est également constituée du grand-père et de l’arrière-grand-père d’Ana ; autant dire que les passes d’armes verbales sont légion. Des vétilles, en somme, bientôt balayées par le vent de l’Histoire quand la Fédération, ulcérée par les revendications d’indépendance de la Ligue des marchands, une organisation locale, décide de lancer un assaut destiné à mater la rébellion dans l’œuf. La guerre éclate, inévitable, mettant aux prises des hommes-miroirs surentraînés aux îliens, paysans sans connaissance militaire particulière.
Martin Lessard superpose ici plusieurs niveaux de lectures. Bien évidemment, il y a le développement personnel de son héroïne, dont la quête de soi (liée pour partie à l’absence d’une figure maternelle) va s’accomplir au travers des événements dramatiques qu’elle sera bientôt appelée à traverser. Horripilante au début, dans sa relation boudeuse avec son père, elle acquiert peu à peu de l’épaisseur, jusqu’à devenir l’une des personnalités-clés dans la révolte contre la Fédération, tout en tentant de démêler le mystère de ses origines et du comportement de son père. À cette volonté d’émancipation personnelle répond bien évidemment la tentative de la Ligue d’acquérir son indépendance, au prix d’une lutte âpre qui verra les inimitiés entre îliens s’apaiser pour mieux pouvoir combattre l’ennemi. Le roman fonctionne donc autant sur des destinées individuelles que sur une révolte de tout un peuple, et Lessard parvient à marier les deux avec un certain bonheur. Alors, même si certaines ficelles sont un peu grosses, même si les capacités de résistance des insurgés paraissent bien improbables au vu de leurs compétences initiales et de la puissance de feu de l’envahisseur, ce roman, qui procure de nombreux passages émouvants mais aussi quelques scènes spectaculaires, se lit sans déplaisir et perpétue une tradition de SF d’aventures (après tout, nous sommes ici dans la collection « Ad-Ventures ») intelligente chère à l’éditeur.