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Les critiques de Bifrost

Les Sentiers de Recouvrance

Les Sentiers de Recouvrance

Émilie QUERBALEC
ALBIN MICHEL
240pp - 17,90 €

Bifrost n° 114

Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114

Après deux space operas fort différents l’un de l’autre déjà parus chez Albin Michel Imaginaire (Quitter les monts d’automne et Les Chants de Nüying, chroniqués dans les Bifrost n°101 et 108), Émilie Querbalec revient pour un livre bien plus terre à terre et pourtant bien plus déroutant avec Les Sentiers de Recouvrance. Dans ce court roman, elle propose de suivre l’odyssée de deux adolescents dans une Europe d’un futur très proche terrassée de chaleur par le changement climatique. Anastasia, dite Nas, vit en Espagne et décide de quitter la ferme où elle a grandi, isolée, à la mort de son père, pour retrouver la Bretagne natale de celui-ci. Ayden, ado désœuvré de cité, rêve de grands feux et fuit la maison paternelle avant de se laisser aller. Jusqu’à ce que leurs chemins se croisent et que l’île de Recouvrance soit l’occasion d’une guérison et d’un nouveau départ.

Pendant une bonne moitié de roman, l’autrice nous emmène à la suite tantôt de l’un, tantôt de l’autre, en nous décrivant un futur pas si éloigné de notre présent, et notamment des actualités entre sécheresses, mégafeux des Landes et crues à répétition. Quand, soudain, un chapitre particulièrement psychédélique fait tout basculer… Les deux protagonistes se retrouvent sur la fameuse île de Recouvrance et tout ce qu’on avait appris auparavant est remis en question. De plus, le réchauffement climatique passe au second plan, même si les habitants de l’île s’activent pour en minimiser les effets et trouver comment bien vivre dans ces conditions, avec le retour des dirigeables ou de la marine à voile pour les traversées transatlantiques. Désormais, c’est la partie résilience et l’utilisation médicale du datura, l’herbe du diable chère à Carlos Castaneda, qui sont mises en avant. Notamment dans la cure que suivent Nas et Ayden, et les rêves dirigés communs qui servent de traitements. Là encore, Émilie Querbalec reste dans une science-fiction assez proche où le datura – à doses très espacées et contrôlées – servirait dans le cadre de différents traitements psychiatriques pour des affections assez variées. Et où la frontière entre l’hallucination (individuelle ou collective) et la réalité serait perméable et permettrait les échanges d’informations d’un esprit à l’autre.

Si le résultat est concluant pour Nas et Ayden, il s’avère plus perturbant pour le lecteur. Le voyage proposé dans le roman est intéressant. La plume d’Émilie Querbalec s’avère toujours aussi vive et claire. Les images qu’elle conjure dans l’esprit du lecteur donnent envie de poursuivre l’aventure jusqu’au bout. Même si certains risquent d’être déroutés par le brusque changement de trajectoire pris par le roman. Est-ce pour vous?? Oui, à condition d’accepter de sortir des sentiers battus.

Stéphanie CHAPTAL

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