Timothée REY
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
320pp - 19,90 €
Critique parue en juillet 2014 dans Bifrost n° 75
Auteur de nombreuses nouvelles publiées sur divers supports (revues, recueils, anthologies), Timothée Rey est loin d’être un inconnu dans le champ des littératures de l’Imaginaire. C’est toutefois la première fois qu’il s’aventure sur la distance du roman.
« Je vais vous conter l’histoire de Collembole N’a-Qu’un-Œil, Chamane-Soigneur du clan des Ronces. Lors d’un Jamboree, il s’est produit une disparition mystérieuse au cours d’une chasse aux bisons. Tout accuse les Souffles, les déités maléfiques et fantasques des vents. La peur s’insinue progressivement dans la tête des hommes et femmes des clans rassemblés. Cependant, N’a-Qu’un-Œil, esprit rationnel et pragmatique, ne croit pas à cet enlèvement surnaturel et décide d’enquêter. »
Affirmons-le d’emblée : bien qu’émaillé de petit défauts, ce premier roman, thriller préhistorique prenant pour cadre l’aurignacien, est une réussite. Pour le fond, rien à dire. Timothée Rey utilise les canons du genre et les adapte au cadre historique du roman. L’histoire se lit d’une traite, avec plaisir. Un bémol toutefois : le tic de narration du style « alors, moi j’ai compris mais je vous laisse réfléchir pour voir si vous allez trouver vous-même », qui s’avère un peu lassant.
La forme est au rendez-vous. On retrouve ici toute la verve déployée dans les nouvelles de l’auteur, sans oublier un style fluide et agréable, un humour omniprésent. Que ce soit dans les noms (Choque-Nourrice…), dans les références à des inventions farfelues pour l’époque (un parapluie…), ou dans les dialogues. Au point que l’auteur se dilue parfois dans cette débauche d’idées. On rit beaucoup pendant l’enquête, mais on en perd le fil de temps en temps, accaparé à anticiper le prochain bon mot. La galerie de personnages contribue aussi au plaisir de la lecture. Certains sont caricaturaux mais c’est ce qui les rend attachants. Le couple Chamane/Apprenti évoque Maître Li et Bœuf Numéro Dix de Barry Hughart (La Magnificence des oiseaux).
Cerise sur le gâteau, des interludes nous en apprennent plus sur les us et coutumes de nos héros et immergent sans heurt dans l’univers construit par l’auteur.
Avec ses énigmes loufoques et invraisemblables, ses personnages attrayants, Les Souffles ne laissent pas de traces est un premier roman qui fait mouche. Pour peu qu’on nourrisse une appétence pour les récits préhistoriques. Grrr…