Claude ECKEN, Ugo BELLAGAMBA
SOMNIUM
176pp - 12,00 €
Critique parue en avril 2018 dans Bifrost n° 90
Ingénieur à la société Quantech, Alain Migea est envoyé en mission aux États-Unis, le temps d’une intervention technique sur l’accélérateur de particules du Brooklyn National Laboratory. Mais très vite, la raison première de sa traversée de l’Atlantique va passer au second plan. Il y a d’abord le mystère qui entoure la disparition de l’un de ses collègues, Jeffrey Weirdlight, qui n’a plus donné signe de vie depuis des mois. Et plus Alain tente de retrouver sa trace, plus les indices laissant supposer que son silence prolongé n’a rien de naturel se multiplient. Il y a ensuite ces histoires qui circulent sur cette région de Long Island, mélange de délires complotistes et de fadaises ufologiques, qui pourtant, dans ce décor particulier, paraissent soudain davantage plausibles. Surtout lorsqu’on commence à découvrir des cadavres d’animaux ne ressemblant à rien de connu, ou que l’armée américaine vous envoie quelques-uns de ses hauts gradés pour vous interroger.
Claude Ecken, collaborateur bifrostien bien connu, a plus d’une corde à son arc. Parmi elles, il en est une qu’il est l’un des rares auteurs français à savoir manier : la maîtrise d’un discours scientifique de pointe qui lui permet de donner un socle solide à ses extrapolations. C’est le cas dans Les Souterrains du temps, où il est question des cônes de lumière de Minkowski, de la courbure du tenseur de Weyl ou des violations d’invariance de Lorentz. Autant de concepts dont il se sert pour donner corps à la théorie qu’il développe ici. Laquelle, si elle n’a dans le fond rien d’original, y gagne beaucoup en vraisemblance.
Pourtant, Les Souterrains du temps n’est pas un roman tout à fait réussi. Notamment parce que sa scène cruciale fonctionne mal. Tant le comportement du narrateur que les réactions de ses interlocuteurs, et surtout l’enchaînement des événements sonnent faux et font basculer le récit dans le mauvais thriller.
Par ailleurs, Claude Ecken ne semble pas avoir su trouver la bonne distance pour raconter cette histoire. Il aurait fallu soit couper dans les nombreuses digressions et pérégrinations de ses personnages pour en faire une très bonne nouvelle, soit, à l’inverse, développer certains éléments qui ne sont ici qu’esquissés (les divers ratés et effets indésirables de cette expérience et la manière dont ils nourrissent les spéculations les plus tordues de certains). En l’état, Les Souterrains du temps est un roman globalement plaisant mais qui laisse une regrettable impression d’inabouti.