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Les critiques de Bifrost

Les Sphères de cristal

David BRIN
IMAGINAIRES SANS FRONTIÈRES
17,00 €

Critique parue en octobre 2003 dans Bifrost n° 32

Si la majorité des romans de David Brin a été publiée en France, ses nouvelles, en revanche, n'ont que rarement été traduites — moins d'une dizaine, ici ou là, en presque vingt ans. Sans être excessivement prolifique dans le domaine, il en a pourtant signé une bonne quarantaine, regroupées dans trois recueils (le dernier paru aux États-Unis en début d'année).

Les Sphères de cristal nous proposent de découvrir neuf nouvelles (dont seulement deux ont déjà été publiées précédemment dans notre pays), sélectionnées et commentées par l'auteur lui-même. Extrêmement diverses par la taille, le ton et la qualité, on remarque néanmoins après-coup qu'une bonne moitié du recueil est consacrée à la même interrogation : sommes-nous seuls dans l'univers ? La nouvelle donnant son titre au livre offre une explication empreinte d'une certaine poésie au fait qu'aucune race extraterrestre ne nous ait jamais rendu visite. Brin situe l'action dans un futur lointain, où c'est au tour de l'homme de jouer aux explorateurs cosmiques et de découvrir sa place dans l'univers. Autre très bon texte, quoique nettement plus pessimiste, « Les Dipneustes » conte la découverte par une expédition terrestre d'artefacts étrangers dans la ceinture d'astéroïdes entre Mars et Jupiter, laissant à penser que nous n'avons pas toujours été seuls dans ce coin de l'univers. Dans ces deux nouvelles, David Brin parvient, tout en gardant sa rigueur scientifique habituelle, à nous émerveiller par ses extrapolations.

Dans deux autres textes, l'auteur s'intéresse aux rencontres du troisième type sur un ton nettement plus humoristique. « Chhuut… » décrit l'arrivée sur Terre d'une race aussi avancée que bienveillante, et offre un moyen astucieux aux humains de ne pas se sentir écrasés par tant de perfection. « Ces Yeux-là », tout en réfutant point par point les thèses défendues par les ufologues, s'amuse à mettre en scène une poignée d'E.T. farceurs. Le court article qui suit cette nouvelle, « Que dire à un ovni », ne fait que paraphraser le texte qui le précède. Dans un registre plus sérieux, « Troisième et sixième sens » s'intéresse également à un alien, coincé bien contre son gré sur Terre. Long, verbeux, c'est probablement le moins bon texte du recueil.

Encore un texte humoristique : « Feu rouge », amusante fable écologique dans laquelle il est question d'expansion de l'univers, de motards cosmiques et de respect de l'environnement…

« Thor contre Captain America » est l'autre grosse déception de ce recueil. Il s'agit d'une uchronie dans laquelle l'Allemagne est sur le point de gagner la Deuxième Guerre Mondiale, grâce à l'intervention des dieux nordiques, Odin et Thor en tête. Malgré un point de départ amusant, ce récit souffre d'une intrigue banale et devient carrément détestable lorsqu'il aborde la question des camps d'extermination.

En revanche, « L'Épidémie de générosité » est un fort bon texte, décrivant dans le détail le modus operandi d'un virus d'un genre nouveau. Nouvelle d'autant plus réussie que son narrateur est un personnage cynique et sans scrupules, ce qui renforce encore l'idée développée ici par Brin.

Le recueil se termine par le texte le plus récent de cette sélection, « Les Pierres de pondération », décrivant un futur assez fascinant où cohabitent humains modifiés, intelligences artificielles et personnes simulées, et s'interrogeant sur l'égalité des droits de tout ce beau monde. Une excellente conclusion pour un recueil qui, malgré quelques faiblesses, demeure d'un fort bon niveau.

Philippe BOULIER

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