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Les critiques de Bifrost

Les Terres animales

Les Terres animales

Laurent PETITMANGIN
LA MANUFACTURE DE LIVRES
222pp - 18,90 €

Bifrost n° 112

Critique parue en octobre 2023 dans Bifrost n° 112

Après l’explosion d’une centrale nucléaire, les habitants ont été évacués de la zone contaminée. Certains ont refusé de partir. Le roman raconte l’histoire de cinq d’entre eux, cinq amis, deux femmes et trois hommes.

La première partie du récit décrit leur quotidien, leurs arrangements avec la radioactivité omniprésente, leurs rapports avec d’autres groupes qui sont également restés : des vieux ne voulant pas abandonner leur village, des ouvriers ouzbeks qui faisaient partie de ces cohortes d’intérimaires utilisés par l’industrie nucléaire pour faire baisser les statistiques des maladies professionnelles parmi ses salariés. Mais vers le milieu du roman, un évènement (que la quatrième de couverture dévoile bêtement : ne la lisez pas !) va rompre l’équilibre du petit groupe. La seconde partie se concentre sur la folie qui envahit leurs relations, jusqu’à une fin qu’on pourra trouver un peu expéditive.

La force et l’originalité des Terres animales résident surtout dans la première moitié du livre.

Cette chronique de la vie dans une zone irradiée évoque Malevil, bien sûr, ou encore le récent La Pierre jaune de Le Guilcher (Folio « SF »). Mais elle s’en distingue par sa tranquillité et son humanité. Si la mort et le danger sont partout (l’un des personnages établit un intéressant parallèle avec la guerre des tranchées), ce qui est mis en avant ici c’est l’invention d’une nouvelle vie. Au sein du groupe priment l’amitié, le partage et l’hédonisme (on cuisine, on pille les caves à vin des maisons abandonnées, on joue au foot même si c’est en combinaison NBC…). Dans leur solitude irradiée, les cinq personnages re- découvrent la solidarité, s’affranchissent du carcan de la société et glissent vers un dénuement, un dépouillement volontaire : « nous vivons comme l’humanité aurait dû vivre… comme au Bangladesh » (p. 19). Le nucléaire ET la bougie.

L’instant présent gagne en intensité : en renonçant au futur, les protagonistes se libèrent de la peur de la mort et atteignent cette animalité auquel le titre fait référence.

Le roman de Laurent Petitmangin, s’il pèche par une fin peu convaincante, mérite amplement d’être découvert. Sans qu’il ne nie l’horreur des conséquences d’un accident nucléaire ni les tensions qu’engendre la cohabitation à laquelle sont condamnés les personnages, sa douceur, sa mélancolie, son humanité le démarquent des classiques du post- apocalyptique. Non content d’être une intéressante variation sur le thème de l’après-catastrophe nucléaire, il séduit car ce qu’il s’attache à décrire, ce n’est pas la survie : c’est la vie.

Jean-François SEIGNOL

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