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Les critiques de Bifrost

Les Trois étoiles de Saint Nicolas

Les Trois étoiles de Saint Nicolas

Pierre STOLZE
ARMADA
730pp - 35,00 €

Bifrost n° 73

Critique parue en janvier 2014 dans Bifrost n° 73

Chroniquer un livre s’avère le résultat d’un lent processus de décantation où amour et désamour se mêlent à la raison. Comment dire son enthousiasme sans basculer dans la flagornerie ? Comment afficher sa détestation sans passer pour un pisse-vinaigre ? Et de manière plus générale, comment donner envie ou non de découvrir un titre ? Vaste sujet, fertile en empoignades virtuelles sur les forums ou réseaux sociaux, en déconvenues et en rancœur dans le pire des cas.

Sans aller jusqu’à honnir l’auteur et ses laudateurs, autant l’affirmer d’emblée, le chroniqueur s’est ennuyé copieusement en lisant Les Trois étoiles de Saint Nicolas. Certes, les multiples références, clins d’œil et autres gimmicks humoristiques n’ont pas échappé à sa sagacité. Il trouve juste tout cela assez lourd, pour ne pas dire indigeste. En fait, à bien y réfléchir, cet omnibus a tout de l’œuvre destinée à un public complice. Du genre érudit, bibliophile et collectionneur de vieux films appréciant le bon vin. Bref, le genre conquis d’avance…

Mais revenons à l’ouvrage lui-même. Bien connu des lecteurs de Bifrost, où il tient une chronique régulière, Pierre Stolze est également réputé dans le fandom, notamment pour des romans récompensés de quelques prix. Edité par Armada, microstructure sise dans le Sud-Est de la France dont on peut acquérir les livres via internet, Les Trois étoiles de Saint Nicolas rassemble trois romans parus entre 1986 et 2002 (Marilyn Monroe et les samouraïs du Père Noël, Greta Garbo et les crocodiles du Père Fouettard, Brigitte Bardot et les bretelles du Père Eternel). Des livres que l’on ne trouvait plus guère que sur le marché de l’occasion.

Loin de l’imagerie des contes pour enfants sages, Pierre Stolze puise son inspiration dans la petite histoire, les récits de voyage, d’aventures, et les archétypes des mauvais genres. Le résultat laisse perplexe, d’autant plus que l’auteur affectionne manifestement les situations incongrues. On vadrouille ainsi entre passé et futur, d’un continent ou d’une planète à l’autre, le verre de vin à la main, l’œil émoustillé par des visions surréalistes, dignes de Salvador Dalí, et les courbes généreuses de quelques actrices. Les trois romans ressemblent à un foutoir, un bazar hétéroclite de références, de citations, d’icônes du cinéma, de figures issues de la culture populaire et d’anecdotes plus ou moins historiques. Le tout raconté avec roublardise dans différents registres littéraires : polar, space opera, roman historique, aventure à l’ancienne…

Si le fond ne tient que par son érudition et le caractère baroque des péripéties, la forme souffre d’un excès de didactisme : on a la fâcheuse impression que l’auteur nous donne la leçon. De longs pavés explicatifs jalonnent le récit, prétexte à des digressions, en fait du bavardage émaillé de quelques saillies drolatiques poussives, qui cisaillent l’intrigue, rendant vaine toute velléité d’évocation ou de suggestion.

Il faut donc se rendre à la raison. Les Trois étoiles de Saint Nicolas n’a pas d’autre prétention que celle d’amuser la galerie. Un public de connaisseurs, féru de bons mots et de plaisir référentiel, que les affinités avec la culture de l’auteur rendent indulgent.

Laurent LELEU

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