Walter de la MARE, (non MENTIONNÉ), Robert SILVERBERG, Maxime LE DAIN
CALLIDOR
392pp - 25,00 €
Comme l’évoque Maxime Le Dain, traducteur émérite du présent volume, dans sa postface, l’histoire éditoriale de Walter de la Mare en France est extrêmement réduite car, à part quelques ouvrages au tournant des années 80-90, il n’y a quasiment rien à se mettre sous la dent, alors que l’auteur bénéficie d’une certaine renommée en Angleterre, et même jusqu’aux États-Unis, puisque Robert Silverberg révèle dans sa préface l’importance qu’a eu ce livre dans son parcours d’écrivain. Afin de combler cette pauvreté éditoriale, les éditions Callidor ont la très bonne idée de nous proposer Les Trois Malla-Moulgars, splendide récit pour enfants, mais dont l’émerveillement et l’universalité du propos parleront à tous. On y suit les aventures tour à tour drolatiques et tragiques de trois singes (moulgars) d’ascendance royale (malla) qui, à la mort de leur mère, décident de quitter leur forêt pour partir sur les traces de leur père et des palaces où il retourna vivre quelques années auparavant. Le roman s’attache plus particulièrement à Nod, le plus jeune de la fratrie, souvent naïf et gaffeur, mais également très intelligent et à même de manier la magie, lumineuse, qui imprègne tout ce monde. Quelque part entre Le Livre de la jungle pour la population animale, Alice au pays des merveilles pour l’imagination permanente, Watership Down de Richard Adams pour l’aspect fantasy animalière, sans oublier Le Hobbit tolkienien, avec lequel on peut faire de nombreux parallèles, Les Trois Malla-Moulgars brille de mille feux, tant l’auteur y déploie des merveilles d’humour, de poésie et d’originalité, en veillant constamment à ne pas perdre son lecteur sous une débauche de moyens : pour extraordinaires qu’elles soient, les aventures de ses protagonistes restent éminemment crédibles et cohérentes. Vecteur principal de cette cohérence, le langage est éblouissant : inventivité, pouvoir d’évocation et de dépaysement total (ah ! les Mirmoutes, monts Arakkaboa et autres Babbaboomiers – l’une des innombrables espèces de singes rencontrées ici !), et parfaitement rendu à la traduction, il sous-tend tout le travail sur le merveilleux qu’entreprend ici l’auteur. On imagine sans peine les yeux ronds, emplis d’étoiles, qu’un tel déluge de termes exotiques susciterait chez les enfants qui se verraient conter cette histoire, comme du reste ceux de de la Mare, qui furent les premiers auditeurs et/ou lecteurs de ce livre qui leur est dédié. Mais, encore une fois, la force de l’auteur est de rendre ce récit universel, propice à émouvoir et émerveiller également les adultes. C’est donc à une invraisemblable découverte que nous convient les éditions Callidor ; invraisemblable, car il est incompréhensible qu’un tel chef-d’œuvre d’imagination soit resté inédit jusqu’à présent (il date de 1910 !). Il ne l’est plus, réjouissons-nous, comme de l’habituel travail d’orfèvre de l’éditeur sur l’objet livre, et espérons que cela permettra de relancer l’aventure éditoriale de Walter de la Mare en France !