Comment se portent les vampires en 2024 ? Ils vivotent, en marge des littératures de genre. À preuve ces Vagabonds de Richard Lange, écrivain campé un pied dans la blanche, l’autre dans la noire, qui tente ici de moderniser le mythe sans réinventer grand-chose. Sa principale contribution consiste à le débarrasser de l’essentiel de son folklore. Exit les gousses d’ail, crucifix et autres métamorphoses animalières. Même leurs canines retrouvent une taille normale. Le romancier ne conserve que la soif de sang, l’immortalité, une robuste résistance aux coups et une sévère allergie au soleil.
L’action du roman se déroule en 1976, à quelques jours du bicentenaire des États-Unis. Mais ses protagonistes ne font pas partie de cette foule qui piétine d’impatience à l’approche de ces festivités. Ils se situent plutôt aux marges (décidément) de l’Amérique de cette époque, évoluent dans un monde peuplé d’épaves, de prostituées, et de tous ceux que le rêve patriotique a laissé sur le carreau. « C’est une terre dévastée où des âmes en peine traquent d’autres âmes en peine. » (p.266)
Le récit alterne entre différents personnages : les vampires Jesse et Edgar, son frère handicapé mental, qui tentent de se faire oublier d’une société qui n’a jamais eu aucune place pour eux ; Charles Saunders, père de l’une des victimes de ces « vagabonds », dont la quête de vengeance a depuis longtemps tourné à l’obsession. Et un gang de bikers, les Démons, vampires de leur état eux aussi, semant les cadavres d’un État à l’autre. Tout ce petit monde va finir par se croiser et s’entre-tuer de manière plus ou moins fortuite.
La force de Richard Lange est de faire ressortir toute l’humanité de ses protagonistes, vampires ou non, pour le meilleur comme pour le pire. L’écrivain ne s’arrête pas à la lisière de leurs besoins primaires, sanguinaires, il leur donne de véritables existences, des désirs et des espoirs qui parleront à tout lecteur et qui nous les rendent d’autant plus proches.
En revanche, il peine à donner à son histoire toute l’énergie qu’elle requiert. Les séquences les plus violentes manquent cruellement de souffle (la faute à l’auteur ou à son traducteur ?) et les incessants retours en arrière à chaque changement de point de vue finissent d’enliser la narration. Dommage, Les Vagabonds aurait pu être une belle addition au genre, plutôt que cette variation assez anecdotique et oubliable.