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Les critiques de Bifrost

Les Vaisseaux du temps

Les Vaisseaux du temps

Stephen BAXTER
LIVRE DE POCHE
634pp - 8,60 €

Bifrost n° 12

Critique parue en mars 1999 dans Bifrost n° 12

Ce récit reprend la narration du héros de La Machine à explorer le temps exactement là où H. G. Wells l'avait achevée, il y a cent ans. S'apprêtant à retourner dans le futur pour sauver Weena, la séduisante Eloï, des griffes des Morlocks, le Voyageur découvre un futur différent, où ses ennemis de jadis sont à présent une race évoluée et pacifique, qui a émigré sur le plus vaste territoire jamais conçu : les deux faces d'une gigantesque sphère englobant le soleil. Il ne lui est même plus possible de retrouver son époque, chaque déplacement dans le temps induisant la création d'un univers parallèle. Ses tentatives, en compagnie d'un Morlock, l'amènent successivement dans un 1938 où la première guerre mondiale n'a pas encore pris fin, au paléocène où elle se poursuit, et jusqu'aux débuts de l'univers, au-delà du Big Bang !

Il est impossible de rendre compte en quelques lignes de la richesse et de l'inventivité de ce livre, aux détails prolixes. Le narrateur a plus d'une fois l'occasion de se fréquenter, ce qui, en observateur intègre, ne le rend que moins indulgent envers lui-même. Ce n'est pas le moindre mérite de Stephen Baxter que d'avoir poussé à l'extrême les paradoxes temporels pour mieux les éliminer : ces derniers ne sont qu'apparents, ce qu'il démontre en formulant, avec la rigueur et la logique du mathématicien qu'il est, un principe de Conservation fonctionnant dans une dimension supérieure intégrant la Multiplicité des Histoires. En effet, cette aventure de l'extrême est également un conte philosophique dénonçant l'absurdité des guerres, apprenant la tolérance et esquissant, à la façon d'un Zadig de retour de ses pérégrinations, une quête du bonheur (le roman finit d'ailleurs sur ce mot). Les amateurs de sense of wonder ne seront pas déçus en lisant la relation de ce voyage aux confins de l'extrême : il y a longtemps qu'on n'a plus éprouvé pareil vertige.

Bref on ne saurait rêver de plus bel hommage au père de la science-fiction moderne. Baxter a non seulement poussé la réflexion aussi loin qu'a pu le faire son illustre prédécesseur à son époque, il a également imité son style à la perfection, de telle sorte que les deux journaux de voyage semblent bien avoir été écrits par la même plume. Ce livre a déjà ramassé trois prix littéraires, ce qui n'est pas étonnant ; Les Vaisseaux du temps est plus qu'une performance : c'est un chef-d'œuvre !

Claude ECKEN

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