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Les critiques de Bifrost

Les Visages de Mars

Jean-Jacques NGUYEN
LE BÉLIAL'
176pp - 10,52 €

Critique parue en juillet 1998 dans Bifrost n° 9

Ce premier recueil de nouvelles de Jean-Jacques Nguyen permettra à de nombreux lecteurs, il faut l'espérer, de découvrir le talent de ce jeune auteur que les fanzines s'arrachent depuis dix ans. En neuf récits éclectiques, il prouve qu'il se sent aussi à l'aise dans le Fantastique que la Science-Fiction.

En outre, un texte intrigant comme « Rêve de chine » (où une expédition française se perd dans les hauteurs de l'Himalaya) est fort éloigné dans sa facture de « Swing puzzle, Harlow » (un titre moderne pour un récit classique lovecraftien, agréablement renouvelé par la peinture du milieu hollywoodien des années 30), comme le sont « Incidents de villégiature », un petit chef-d’œuvre de Fantastique moderne, ou « Temps mort, morte saison », aux surréalistes images de vagues figées et de temps arrêté dignes d'un Ballard.

En Science-Fiction, Jean-Jacques Nguyen utilise avec brio le space opera comme dans « Les visages de Mars », qui est une intéressante variation sur le thème des civilisations disparues de Mars ; il se révèle aussi capable d'écrire de la hard science, son intérêt pour la physique quantique, ses dispositions pour l'informatique se mariant bien avec sa connaissance de l'astronomie. « L'homme singulier » est l'édifiant récit d'une personne qu'un trou noir dans le cerveau dote du pouvoir d'arrêter le temps ou d'avaler les informations, données informatiques ou souvenirs des gens, à la façon dont un véritable trou noir absorbe poussières et lumière. Les architectes du rêve puisent dans les souvenirs des anciens habitants de Paris pour la reconstituer virtuellement.

Nguyen est même capable de marier le Fantastique classique d'un Lovecraft et la physique des particules avec « L'ultime réalité », où la modélisation des structures de l'atome dessine l'insupportable image de ce qu'on peut contempler au-delà, derrière l'image des quarks.

Il existe cependant un point commun à tous ces textes : loin de ne servir qu'une idée, ils font une grande part à la psychologie, présentant des personnages (non, des personnes !) riches et complexes, et ils sont tous écrits dans une langue superbe.

Claude ECKEN

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