Megan LINDHOLM, Steven BRUST, Gregory FROST
ACTUSF
5,99 €
Critique parue en juillet 2014 dans Bifrost n° 75
La chance. Et si cette notion n’était pas que théorique ? A Liavek, le jour de votre anniversaire est important, c’est à ce mo-ment-là que la Chance se manifestera avec le plus de force. Ignorer quand on est né, c’est ne pas connaître la date pivot de son année. Kaloo, orpheline, est malheureusement dans ce cas. Alors qu’elle cherche à construire son avenir, elle réalise qu’elle ne peut y parvenir sans en savoir un peu plus sur son passé. Elle se rend chez un mage afin qu’il l’aide à découvrir son jour de Chance et finit par devenir son apprentie, délaissant ainsi l’avenir tout tracé que ses parents adoptifs lui réservaient.
Si Liavek raconte bien l’histoire de la jeune Kaloo tout du long, c’est pourtant à un recueil de nouvelles que nous avons affaire ici. Celui-ci comprend six récits écrits tour à tour (ou en collaboration) par Megan Lindholm (plus connue maintenant sous le nom de Robin Hobb), Steven Brust et Gregory Frost. Récits qui tourneront autour de la jeunesse de Kaloo, de son passage à l’âge adulte et de la découverte de son identité. Mais à travers elle, c’est Liavek qui nous est dépeint, et qui deviendra la véritable vedette de ce qui ressemble presque à un roman tellement ses différentes étapes se suivent logiquement.
Pourtant, si le passage entre les nouvelles se fait de manière fluide quand on s’en tient à l’histoire, il s’avère plus délicat une fois qu’on s’intéresse aux personnages. C’est que Kaloo, par exemple, semble être victime de sautes d’humeurs trop importantes pour qu’elles ne soient imputables qu’à une adolescence mouvementée. De même, sa belle-mère ou encore quelques amis de la famille changent tellement au cours des divers récits qu’il peut s’avérer nécessaire d’aller vérifier les noms des uns et des autres pour s’assurer qu’on parle encore des mêmes personnes. Un petit couac, imputable à la présence de trois auteurs différents, qui ne réfrène toutefois pas le plaisir éprouvé à la lecture de Liavek.
En effet, ce recueil fait souffler un vent de légèreté bienvenu au sein d’un genre, la fantasy, battu et rebattu. Non que l’histoire soit si originale ou différente, mais son ambiance fait rêver et apporte quelque chose de plus. Pourtant, nous ne sommes pas vraiment dans l’univers égalitariste un peu trop prestement annoncé dans la préface de l’ouvrage — on est même assez loin, à ce sujet, d’un texte comme Elle qui chevauche les tempêtes/Windhaven, par exemple, et histoire de citer un récit lui aussi né de la plume de plusieurs auteurs — Martin et Tuttle, en l’occurrence. Mais ce qu’on devine de Liavek dans ces diverses nouvelles donne envie d’y retourner, assurément.
Ainsi, si cet opus ne brille pas forcément par son originalité, il arrive pourtant à nous emporter dans un monde à la fois familier et différent, auquel il sera difficile de ne pas s’attacher. De fait, le lecteur lassé de la fantasy à gros bras, désireux de retrouver le plaisir des personnages et des univers qu’ils habitent avant tout, ferait bien de se pencher sur le présent recueil. Nous reste à espérer qu’ActuSF continue à nous faire voyager en Liavek…