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Les critiques de Bifrost

L'Île de Peter

L'Île de Peter

Alex NIKOLAVITCH
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
224pp - 15,00 €

Bifrost n° 88

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Nombreux s’y sont frottés, nombreux s’y sont piqués, nombreux ont piqué… Du Peter Pan de Loisel au Hook de Spielberg, du Tiger Lily de J. L. Anderson au film de P. J. Hogan, beaucoup ont espéré pouvoir naviguer, grand-voile déployée, sur le mythe créé par J. M. Barrie. Peu y sont vraiment parvenus, épuisant les réserves de poussière de fée, et s’écrasant lourdement plutôt que s’élevant avec élégance. Le roman de Nikolavitch, lui, hésite. Prenant un envol plutôt réussi et intriguant dans l’obscurité d’une poursuite policière à New York, il semble chercher ensuite la bonne étoile pour tenir jusqu’au matin. Dommage.

L’idée de départ aurait pu être fantastiquement et psychédéliquement fructueuse. Wednesday, policière têtue, compte bien faire tomber King Joab, un caïd de la drogue qu’elle traque de manière opiniâtre. Depuis quelques temps, sa cible a déclaré une obsession : Joab surveille les moindres faits et gestes d’un vieux marin en quête d’herbes bien spécifiques. Jusqu’au jour où il essaie de le capturer, en vain. Alors que la policière et le caïd poursuivent ce marginal, ils inhalent la fumée dégagée par l’étrange mixture de… Mouche. Car oui, le loup de mer, c’est bien lui. Et tous se retrouvent projetés sur une île tropicale que Joab semble mystérieusement connaître mieux que sa poche, une île peuplée de personnages aux noms qui résonnent depuis des décennies dans la conscience collective, une île familière que Wednesday a toujours cru imaginaire. Et dont le sable (même s’il vient des plages de la lagune aux sirènes) immobilise un récit qui s’enlise, peu à peu, sans vraiment s’échouer, grâce à quelques ponctuelles bonnes trouvailles. Dans cette réécriture plutôt banale, seul Mouche surprend un peu, lui qui manipule toutes les cartes et réussit à sortir les siennes du jeu, marin marionnettiste fatigué qui tire les ficelles de sa vieille histoire et de celle de l’île de Peter… et qui réussit presque à émouvoir et amuser.

Les voyageurs habitués et amateurs des méandres et aventures qui poussent à foison à Neverland y prendront peut-être un certain plaisir. Pour les autres, allez plutôt dévorer l’excellent Les Saisons de Peter Pan de Christophe Mauri, illustré par Gwendal Le Bec, chez Gallimard Jeunesse. Par son style impertinent, léger et profond, drôle et sensible, triste et joyeux, ce roman de littérature jeunesse se pose en héritier beaucoup plus légitime des premières aventures des Enfants perdus et de leur célèbre chef impertinent, innocent et sans cœur, et nous rappelle avec intelligence que si tous les enfants, excepté un, grandissent, les adultes, eux, se souviennent.

Maëlle ALAN

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