De Loïc Henry, on a pu lire jusque-là une poignée de nouvelles dans diverses anthologies. Le voilà qui nous vient maintenant avec un épais premier roman (plus de six cents pages, quand même) intitulé Loar, du nom de la planète où se déroule la majeure partie de l’intrigue.
Lointain futur. Emrodes, jeune souverain de Loar, planète située au cœur des Neuf Royaumes, n’a que six jours pour répondre à l’ultimatum lancé par Asbjorn, roi de Melen, vaincu dix ans plus tôt par le père d’Emrodes. L’alternative est simple : la soumission ou la destruction. En effet, le royaume de Melen détient une arme secrète capable de détruire des planètes, et compte bien l’utiliser dans son optique de conquête de l’Univers connu. Celui-ci se compose, outre Melen et les Neuf Royaumes, de la sainte planète de Kreis, où une église syncrétiste moribonde table sur la victoire d’Asbjorn pour réaffirmer son emprise, de Latar, havre secret de guerriers d’élite, des mystérieuses planètes ardentes et de la non moins mystérieuse périphérie. Dans les différents palais, chacun s’en remet à ses conseillers, que ceux-ci soient Latars ou spols — humains doués de formidables capacités logiques. Enfin, dans les profondeurs des océans de Loar, voilà que ces étranges cétacés que sont les daofined entament leur cantilène — un chant envoûtant qui pourrait bien influencer la donne de ces jeux de pouvoir.
Loar se place sous le haut patronage de Frank Herbert. Il y a pires références. De Dune, Loar emprunte les qualités, mais également les défauts. Extraits d’œuvres diverses, présence de plusieurs appendices, onomastique basée sur une langue (non pas l’arabe, mais le breton et les langues celtiques, ce dont l’auteur de ces lignes ne peut que se réjouir), approche multiple de l’intrigue… Qu’on ne se méprenne pas : le roman de Loïc Henry est loin d’être un décalque de la série de Frank Herbert et possède sa propre originalité. Surtout, Loar s’avère d’une lecture bien moins aride.
Si l’univers est convaincant, l’histoire se révèle en revanche un brin moins passionnante. La faute sans doute à une certaine distanciation vis-à-vis des événements : ainsi, les batailles spatiales sont rarement vécues de l’intérieur et ne consistent qu’en annonces de gains et pertes de vaisseaux et territoires. Au spectaculaire, Loïc Henry préfère les scènes de cour, les manœuvres politiques et les relations entre ses personnages, approche qui se fait à la longue un tantinet lassante, car si tous les passages sont maîtrisés, les protagonistes manquent de charisme : pas sûr qu’on se souvienne d’Emrodes comme de Paul Atréides.
Si Loar n’est pas un chef-d’œuvre, c’est toutefois un bon space opera dont l’ambition fait plaisir à lire, notamment chez un auteur francophone signant ici son premier roman. Depuis est paru chez Griffe d’Encre Eros et Thanatos, novella se déroulant dans l’univers de Loar. Nul doute qu’on y jettera un œil attentif. (A noter que les éditions Griffe d’encre étant autodiffusées, mieux vaut commander Loar sur leur site plutôt que de le chercher vainement en librairie.)