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Les critiques de Bifrost

Loin à l'intérieur

Armand CABASSON
OXYMORE
314pp - 15,00 €

Critique parue en octobre 2005 dans Bifrost n° 40

De ses voyages aux États-Unis et au Japon, en Grande-Bretagne et en Irlande, Armand Cabasson a ramené des histoires basées sur des légendes et des mythes. Mais qu'il présente un seigneur de la guerre ensorcelé par des femmes-renard ou des Indiens tentant de faire revenir, au fond de leurs réserves, leurs dieux chassés par les Blancs, les plus grandes explorations de ce psychiatre s'effectuent avant tout au plus profond de l'âme humaine. Comme l'indique le titre de son recueil, Armand Cabasson n'a pas son pareil pour aller « loin à l'intérieur » de l'être.

Quand un photographe s'éprend d'un modèle dont le corps n'est que scarifications, c'est à la rencontre de lui-même qu'il se porte. La découverte du Poisson-Dieu, probablement échappé du panthéon lovecraftien, est l'occasion de s'interroger sur les raisons d'une amitié. « Loin à l'intérieur là où moi seul puis aller » présente les réflexions d'un serial killer face à une psy à qui il cherche à faire comprendre les liens qui les unissent.

Grâce à son sens de l'introspection, Armand Cabasson peut ainsi revisiter les grands thèmes fantastiques avec un éclairage nouveau. Le thème du golem devient celui du miroir tendu à l'homme qui le façonne, celui de Frankenstein s'interroge sur la folie meurtrière, la Mortis dementia, qui frappe les personnes qu'un savant parvient à ramener à la vie. Le vampire, lui, doit affronter une créature cruelle et barbare, l'homme. Dans le registre de la mythologie grecque, « Le Complexe de Pandore » suggère que les malheurs du monde ne sont pas extérieurs à l'homme : la boîte d'où ils s'échappent est… la boîte crânienne. Le moine copiste du Moyen-âge, habile à dessiner les créatures chassées pour appartenir à un bestiaire démoniaque, se rend compte que les dragons et lupidés empaillés qu'il a pour modèles ont des regards de tristesse et de souffrance qui contredisent leur origine infernale. Il s'agit toujours de dénicher la part sombre de notre nature.

Ces dix-huit nouvelles font preuve d'un bel éclectisme et d'une richesse d'inspiration qui n'étonne pas chez cet auteur aussi à l'aise dans le polar que le fantastique et la fantasy. Bref, un excellent recueil.

Claude ECKEN

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