Joli coup pour les toutes jeunes éditions ActuSF, pardon, les toutes jeunes éditions Les Trois souhaits, qui s'offrent un Michael Moorcock au catalogue, et non des moindres. London Bone est une petite merveille de recueil de nouvelles, qui complétera agréablement l'excellent Déjeuners d'affaires avec l'antéchrist disponible en « Lunes d'encre » (Denoël). À tel point qu'on leur pardonnera aisément l'oubli d'une page entière de texte (en fait non, on leur pardonne pas, quand bien même personne ne s'en serait rendu compte si l'information n'avait filtré dans les milieux autorisés et les dîners en ville que la rédaction de Bifrost fréquente assidûment, au péril de sa vie, en se vautrant dans la coke, le champagne et les piscines en forme de guitare). Concentrons-nous donc sur l'essentiel, à savoir les textes. Parmi les quatre histoires proposées ici (dont les publications oscillent entre 1966 et 2000, soit pas mal de temps quand même), c'est principalement la nouvelle-titre qui sort du lot. Chronique douce-amère du quotidien londonien d'un homme d'affaires à la petite semaine dépassé par les événements, « London Bone » est assurément l'une des meilleures nouvelles de Moorcock. Pensez donc, une histoire d'os comme on les aime… Sous le pavé londonien gît un trésor qui ne demande qu'à être exploité : une mine, un gisement, un filon d'os curieux, joliment ambrés, recouverts d'inscriptions bizarres et dont l'origine ne sera, comme de juste, jamais révélée. Enrichissement faramineux, suivi d'une ruine relative, le tout saupoudré d'interrogations quasi mystiques sur le sens général de l'existence, ça fait beaucoup pour un seul personnage, mais c'est tellement bon, tellement décalé et tellement bien fichu qu'on en redemande.
On ne résumera pas ici les autres textes, mais outre le dispensable (bien qu'agréable) « Le Jardin d'agrément de Felipe Sagittarius », tous valent le détour. Sachez néanmoins que « Le Cardinal dans la glace » explore une obsession blasphématoire propre à Moorcock et à la culture anglaise en général, à savoir le catholicisme. Maquillé sous un récit très âge d'or (époque oblige), Michael Moorcock s'amuse beaucoup et annonce déjà le désormais classique Voici l'Homme, dont on ne dira jamais assez de bien. Enfin, « Un samedi soir tranquille à l'amicale des chasseurs pêcheurs surréalistes » reprend ce thème classique chez les Anglais et met en scène Dieu himself, prenant un verre dans un bar, ce qui donne lieu à une séance de questions réponses bien senties avec les autres clients. Du beau, du bon, du Moorcock. Pourquoi s'en priver ?