André-François RUAUD, Neil GAIMAN, Aleister D'HUROW, Andrew HEDGECOCK, Paul WITCOVER, Molly BROWN, Kim NEWMAN, Thomas DAY
LE BÉLIAL'
172pp - 10,52 €
Critique parue en avril 1999 dans Bifrost n° 13
Yellow Submarine était le plus ancien fanzine de science-fiction francophone. Était car, depuis son entrée dans la ligne éditoriale de la collection « Bifrost/Etoiles Vives », ce support jusqu'ici amateur a désormais tout d'une production professionnelle à part entière. De ce Yellow « nouvelle formule », outre les aspects purement techniques liés à une impression de grande échelle (couverture quadri, meilleure lisibilité, etc.), on retiendra un rythme de parution désormais semestriel et le choix éditorial du dossier, chaque numéro étant en effet dorénavant entièrement consacré à un thème particulier : Londres, en l'occurrence, pour 1a présente livraison (après un Dossier Fantasy pour le numéro 127).
André-François Ruaud, le « capitaine » du Yellow Submarine, a donc décidé de nous ouvrir grandes les portes de cette machine à rêver qu'est la capitale anglaise. Un pari aussi original qu'osé, on en conviendra d'emblée, le bouquin s'ouvre par un « Guide de shopping à l'usage du fan de SF ». Une ouverture à la manière d'un coup de maître si cette trentaine de pages ne parvient pas à vous faire sauter dans le premier train en partance pour Londres, c'est peine perdue. Car l'essentiel est là : adresses des meilleures librairies spécialisées, plans pas chers et sympas pour le gîte et le couvert, balades typiques, trucs pour vous faciliter la vie dans les transports en communs, etc., le tout abondamment saupoudré d'anecdotes et de remarques croustillantes. Y a pas, ça met l'eau à la bouche, et fait immédiatement de ce bouquin un indispensable pour tout voyageur bibliophile en quête de trésors !
Présenter Londres en 170 pages et, surtout, l'esprit londonien qui fait la particularité de cette cité unique, relève de la gageure. On imagine qu'il a fallu aux auteurs faire des choix pour le moins cornéliens. Au final, pourtant, la sélection proposée s'avère suffisamment éclectique et offre un panorama convaincant. De ces choix, outre le petit guide évoqué ci-avant, on retiendra particulièrement le papier de Neil Gaiman, qui nous raconte une de ses nuits passée en quête d'aventures dans le quartier de West End ; « Chapeau melon et uchronie », amusant article sur le genre steampunk par Aleister d'Hurow ; la critique/étude de Paul Witcover sur Mother London, roman phare et pourtant inédit en France de Michael Moorcock ; le remarquable entretien de Ian Sinclair, artiste par chez nous méconnu mais très représentatif de ce fameux esprit londonien. Le présent dossier s'achève par deux nouvelles, l'une, assez anecdotique de Kim Newman (une uchronie où Londres, inlassablement, continue de vivre le Blitz), l'autre, de Thomas Day, intitulée « Une Forêt de cendres », réédition d'une œuvre de jeunesse (s'il est possible de parler ainsi d'un auteur de 27 ans !) passablement réécrite. Un texte non exempt de certains excès propres aux auteurs en devenir mais déjà porteur d'une réelle force visuelle et thématique.
Ce Londres, ville de l'imaginaire est un ovni éditorial, une production surprenante. Si vous vous êtes toujours demandé pourquoi la capitale anglaise était le berceau de tant de talents, le cadre de tant de romans fantastiques, si vous avez toujours rêvé de faire une petite excursion sur les traces de vos auteurs préférés, n'hésitez pas : achetez ce livre.