Michael CHRISTIE
ALBIN MICHEL
608pp - 22,90 €
Critique parue en janvier 2022 dans Bifrost n° 105
Encore un récit de science-fiction qui se serait glissé en littérature générale ? Ouvrant Lorsque le dernier arbre, le doute se pose quand on découvre un monde de 2038 – demain, quoi – assez apocalyptique où les enfants meurent étouffés par la poussière et les différentes pandémies ayant suivi le Grand Dépérissement climatique. Et pourtant, depuis ce postulat d’un futur assez noir, Lorsque le dernier arbre remonte peu à peu dans le passé, au tout début du XXe siècle. Il suit sur quatre générations la destinée des Greenwood, une famille canadienne atypique liée depuis toujours aux immenses forêts du pays : exploitant en sylviculture, vagabond survivant de la revente de sève d’érable, hippie écoterroriste s’y ressourçant et améliorant son ordinaire de la revente de girolles, menuisier accro aux opiacés et finalement ex-étudiante en sylviculture devenue guide touristique fauchée dans l’une des dernières forêts primaires du globe. Comme un tronc d’arbre en coupe, ou tout simplement à la manière de Cartographie des nuages de David Mitchell, Lorsque le dernier arbre va d’abord nous emmener dans le passé, de 2038 à 2008, 1974, 1934 puis 1908, avant de revenir en sens inverse. À chaque année correspond un membre de la famille ou deux (on retrouve ainsi le père de Jacinda adulte en 2008 et enfant en 1974), et la première partie du roman consiste à comprendre les racines de cette famille et de ses liens profonds avec les forêts. La seconde moitié, qui repart vers le futur, à la manière de branches s’éloignant du tronc, répond aux questions en suspens et montre comment les actions d’une génération sont payées par les suivantes, et avec quelles conséquences. Fresque familiale et historique, ce roman n’est pourtant pas un manuel d’histoire. Il s’agit bien au contraire d’un page-turner, selon l’expression consacrée, qui nous attache à ses personnages et qui ne se lâche plus une fois entamé. Unique bémol dans cette longue saga, la fin amère et la personnalité de Jacinda, bien trop passive face aux aléas de la vie au regard de ses ancêtres. La faute, peut-être, à sa naissance dans une époque au goût de fin du monde ? Et pourtant, malgré tout, Lorsque le dernier arbre est un livre à s’offrir et à offrir autour de soi, même — surtout ! – aux lecteurs réfractaires à l’Imaginaire.