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Les critiques de Bifrost

Lune Noire

Yasser ABU-EL-HASSAB
HIKAYA
18,90 €

Critique parue en juillet 2025 dans Bifrost n° 119

Hikaya est un jeune éditeur qui s’est donné pour projet de traduire et publier en France de l’Imaginaire (fantasy ou SF) venu des pays arabes ou méditerranéens. Louable initiative, qui se traduit par la sortie récente de Hard Reboot, d’Antony Paschos, Paradis Synthétique, de Fadi Zaghmout, et enfin Lune noire de l’égyptien Yasser Abu-el-Hassab. C’est ce dernier texte dont il sera question ici.

Sergueï et Nathan sont deux astronautes, l’un russe, l’autre canadien. Ils sont arrivés sur la Lune dans le cadre de la mission internationale Earth-2 afin d’explorer le « tunnel de la vie », un tunnel de lave solidifiée qui pourrait être utilisé un jour pour abriter une base lunaire permanente et permettre, notamment, d’envisager la récolte du précieux hélium-3 dont la Lune, semble-t-il, regorge. Pour les deux hommes, quand ce court roman débute, commence une exploration en rover de sept jours — neuf au maximum — qui les mènera au « tunnel de la vie » avant un retour à leur atterrisseur et la remontée vers l’orbiteur qui les attend pour les ramener sur Terre.

La mission Earth-2 n’est pas la première. Elle a été précédée et préparée par une précédente entièrement robotisée, Artemis-9, qui avait cartographié une partie du tunnel avant de cesser d’émettre, communication et matériel perdus. Et, cinq ans avant Earth-2, Rise, une autre mission habitée, africaine celle-là, visait le même but et avait été perdue corps et biens.

Dès leur arrivée à l’aplomb du tunnel, Sergueï et Nathan expédient un drone en éclaireur. Ils réalisent vite qu’il y a trop peu de débris du robot défunt d’Artemis-9. Étrange ! Ils ne sont toutefois pas au bout de leurs surprises…

Mission africaine, mission internationale : le monde de Lune noire a connu d’intenses déchirements, un grand conflit mondial dans lequel l’Afrique a beaucoup perdu, « plus que les autres » semble-t-il. Et les affrontements perdurent : l’Europe, notamment, « humilie » régulièrement l’Afrique et tente de l’empêcher de réaliser son destin et sa grandeur. D’où les missions séparées et rivales. D’où le point de départ du roman aussi.

Hélas, trois fois hélas, Lune noire n’est pas un bon roman. Très linéaire, présentant des personnages trop peu développés et une intrigue transparente, c’est surtout sur le plan du style (d’origine ou après traduction, impossible à dire) qu’il pèche. Peu de dialogues ou alors basiques, des phrases ou des images guère heureuses, le style est terriblement quelconque, parfois à la limite du correct syntaxique. Pour le dire vite, ce roman ressemble à nombre de textes qu’on reçoit dans les appels à textes et qui sont rejetés. Comment a-t-il passé la barrière de la publication ? Mystère. Et ne parlons pas de son fond décolonial-pour-débutant qui, tel qu’il est exprimé, ne pourra convaincre qu’un convaincu. Espérons qu’Hikaya fera mieux car ici l’essai est loin d’être transformé, on y est à des années-lumière, par exemple, du très bon Utopia d’Ahmed Khaled Towfik (chez Ombres Noires).

 

Éric JENTILE

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