Larry CORREIA
L'ATALANTE
480pp - 23,90 €
Critique parue en octobre 2012 dans Bifrost n° 68
USA, années 30… Pistolets mitrailleurs Thomson, dirigeables, petite pépés et magie à gogo, tels sont les principaux ingrédients de Magie brute.
Le roman commence par une mission désastreuse pour Jake Sullivan, survivant de la Grande Guerre et « lourd », c’est-à-dire magicien capable d’agir sur le champ gravitationnel et la densité. Missionné par J. Edgar Hoover pour tuer son ancien amour Delilah, devenue une implacable meurtrière, Jake, non seulement échoue, mais s’aperçoit qu’il a été manipulé par le pénible père-fondateur du FBI. Une mission foirée, un ramassis de mensonges, difficile de dire quel est le truc qui le met le plus en rogne. Ça va saigner.
Pendant ce temps, la jeune Faye, (qui a le pouvoir de se téléporter) assiste au meurtre de son père adoptif, un fermier d’origine portugaise aux lourds secrets. C’est un coup de Madi, un garde de fer au service du Président, le magicien immortel qui règne sur le Japon. Obligée de fuir, Faye est recueillie par le Grimnoir, une société secrète de magiciens qui s’est jurée de mettre à genoux le Président et qui informe Jake, rallié à sa cause, que le geotel, l’arme de Tesla qui a rasé la moitié de la Sibérie en 1905, est en passe de tomber dans de bien mauvaises mains.
La guerre peut commencer.
Magie brute est un roman enthousiasmant, un divertissement qu’on lit à toute allure, avec le plus grand plaisir… quatre cents pages durant. Puis, arrivé sur les cinquante dernières pages, le livre qui s’appréhendait jusque-là comme une fantasy urbaine pleine d’humour et d’action échevelée vire au gore, au sadique. Jake tue les « méchants » (sic) japonais avec un plaisir évident, transformant en bouillie tout Jaune se mettant en travers de sa route. Il en est de même pour Faye, qui, jusqu’ici, nous avait été présentée comme idéaliste/naïve et un poil coincée. Cette façon de présenter le bien/le mal, les bons/les méchants, de noyer les idéaux dans le sang et les tripes, rappelle les carnages successifs de la tétralogie L’Arme fatale où Gibson/Glover massacrent dix, douze « méchants » par épisode, avant de se faire un barbecue. Au moment du gueuleton familial, ils pourraient se poser des questions, avoir une baisse d’appétit, mais non, tout va bien, il convient plutôt d’empêcher les saucisses de brûler et de ne pas tomber à court de bière.
Evidemment, on peut se dire que Magie brute est avant tout un comics sans image, à ne pas prendre trop au sérieux, mais comme le récit regorge de détails politiques et uchroniques, ça ne suffit pas à gommer le mauvais goût que ses cinquante dernières pages laissent dans la bouche.
Pour finir, un mot sur la traduction, qui est horripilante tant le livre regorge de vocabulaire relatif aux armes à feu, vocabulaire précis avec lequel la traductrice a un certain contentieux. Ça pourrait passer si Magie brute n’était pas une succession quasiment ininterrompue de scènes d’action et de fusillades. De fait, ça coince un peu. Dommage.