E.R. EDDISON, Ellen KUSHNER, Michael SWANWICK, Patrick MARCEL
CALLIDOR
496pp - 27,00 €
Commençons par le plus évident : le livre est magnifique. Couverture à rabats d’un beau noir mat dotée d’une illustration en noir et blanc rehaussée de dorures, belle maquette intérieure où vient se glisser une quinzaine d’illustrations d’Emily C. Martin : les éditions Callidor proposaient déjà des livres élégants, mais depuis peu, leurs livres sont encore plus travaillés, comme en témoigne le présent volume. (Si on veut chipoter, on pourra regretter un papier un rien trop blanc.) Mais quid du roman Maîtresse des maîtresses lui-même ? Ellen Kushner et Michael Swanwick en signent une belle préface dialoguée, permettant de remettre Eric Rücker Eddison et son roman dans leur contexte. En dépit d’une œuvre restreinte, l’auteur britannique a influencé des écrivains aussi recommandables que Tolkien, C. S. Lewis, Le Guin ou Moorcock.
Maîtresse des maîtresses tire son titre d’un vers de Baudelaire, et s’inscrit dans l’univers mis en place dans Le Serpent Ourobouros (publié en 1922 et critiqué dans les Bifrost 90 et 94). Le présent roman forme le premier tome de la « Trilogie zimiamvienne » – une trilogie informelle, le décès d’Eddison l’ayant empêché d’ajouter de nouveaux volumes –, les deux autres tomes se déroulant chronologiquement avant. La Zimiamvie est un monde parallèle possédant quelques liens ténus avec la Terre, et se divisant en trois grands royaumes, le Rerek, la Mezrie et la Finislande. Trois royaumes réunis sous une seule couronne, celle du tyran Mézence. Quand débute Maîtresse des maîtresses, le souverain décède, laissant le trône à son fils. Comme dans bien des cas, le descendant n’est pas à la hauteur de son illustre paternel, et deux vassaux se soulèvent : d’un côté, le duc Barganax, fils bâtard de Mézence ; de l’autre, le Vicaire du Rerek. Ce dernier s’est adjoint les services de son cousin, Lessingham. Véritable électron libre, Lessingham a une vertu rare : il a secrètement à cœur le bien commun…
Si les grandes lignes de l’intrigue semblent préfigurer quelques grandes sagas littéraires ultérieures—«Les Rois maudits»de Maurice Druon et surtout « Le Trône de fer » de George R.R. Martin –, Maîtresse des maîtresses s’intéresse peu aux batailles et s’attache surtout à brosser des scènes de cour, à l’ambiance Renaissance, sous une plume un rien chargée (au passage, chapeau à Patrick Marcel pour son travail). À l’instar du duo de préfaciers, on peut trouver le roman superbe et précurseur, peuplé d’une galerie de personnages hauts en couleur ; il est aussi permis de s’ennuyer copieusement au fil de son quasi demi-millier de pages. À réserver aux amateurs éclairés… et motivés.