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Les critiques de Bifrost

 Manesh

Manesh

Stefan PLATTEAU
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
464pp - 24,00 €

Bifrost n° 76

Critique parue en octobre 2014 dans Bifrost n° 76

Commençons par l’objet-livre : jaquette à rabats ornée d’une illustration intrigante, couverture cartonnée et reliure cousue. Par les temps qui courent, il n’est pas fréquent de trouver un aussi bel écrin, et ce pour un prix abordable.

Manesh est l’histoire d’un voyage : l’épopée d’un groupe mené par le Seigneur Rana qui remonte le fleuve Framar à la recherche du Roi-Diseur (un oracle) pour trouver des solutions à la guerre civile dans leur royaume. C’est aussi le récit d’une vie, celle de Manesh, le Bâtard de Marmach, repêché à moitié mort dans le Framar par les hommes de Rana.

Le roman se développe sur deux voix narratives : le dit de Fintan Calathynn, le Barde qui narre les pérégrinations de la communauté sur le fleuve Framar, et la « biographie » de Manesh. Jusqu’à ce qu’elles se télescopent pour ne former plus qu’un seul et même récit. L’histoire de Manesh est plus intéressante et rythmée que celle de Fintan, ce qu’on pourrait reprocher à l’auteur, mais ce contraste a son charme et empêche le roman d’avancer à une cadence infernale. L’auteur prend son temps pour dérouler son intrigue sans qu’on s’ennuie ; Stefan Platteau compose par petites touches un univers d’une grande richesse : particularités sociétales, guerre civile, religions et mythes. Rien de nouveau pour qui a l’habitude de lire de la fantasy. Mais l’auteur s’approprie et adapte avec élégance les mythes grecs (la Titanomachie…), celtes (le folklore, la religion) et indiens (les croyances). Il le fait avec d’autant plus d’adresse que le texte possède une vraie musicalité, même si on ressent parfois un léger manque de naturel. Certains passages sont tellement bien écrits qu’on ne peut s’empêcher de songer aux heures de travail nécessaires à leur rédaction.

Si l’auteur maîtrise sa prose, l’attrait du livre ne réside pas seulement là. Platteau est aussi un magnifique portraitiste, qui brosse des personnages sublimes avec des mots à défaut de peinture. « Chacun de nous paie son passage d’une bonne histoire le genre d’his-toire qui vous donne une raison valable pour être à bord, et qui prouve qu’on peut se fier à vous. » Et c’est aussi ces récits que nous conte Manesh. Ici, ni héros ni surhomme et encore moins de manichéisme gratuit. Les personnages ont de la profondeur, du caractère, des fêlures, des doutes, du vécu et bien souvent une part d’ombre. Shakti la Courtisane, le Capitaine Rana ou Fintan le Barde ne se dévoilent qu’au détour d’une phrase ou d’un dialogue, sans que s’efface totalement le mystère qui entoure chacun d’eux. Au fil du voyage, on partage le quotidien de la communauté, on s’attache, on souffre et on vibre avec elle. L’auteur sait, avec un art rare, susciter de l’empathie pour ses personnages.

On attend maintenant la suite de Manesh, ce premier roman étant aussi le premier opus d’une trilogie.

Manuel BEER

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