Jack HEATH
SUPER 8
400pp - 19,00 €
Critique parue en juillet 2018 dans Bifrost n° 91
Timothy, dit « le pendu » (d’où le titre VO Hangman), est consultant auprès du FBI. On fait appel à lui quand les cas sont graves, quand des vies sont en jeu. Comme pour l’enlèvement du jeune Cameron. Cet adolescent doit être échangé contre une rançon. Le délai est très court. Et même si tout semble évident, rapidement, l’affaire va déraper. Aussi, notre jeune Sherlock, au pouvoir d’observation phénoménal et aux capacités d’analyse remarquables, aura fort à faire tant son adversaire est retors. Et les retournements vont se multiplier…
Rien que de très banal, en somme, du vu et revu, relu, ad nauseam. À ceci près que notre héros a des habitudes alimentaires pour le moins gênantes : un besoin viscéral de manger de la chair humaine. C’est d’ailleurs la raison de sa collaboration avec le FBI : à chaque affaire résolue, il gagne le corps d’un condamné à mort fraichement exécuté. Découpé et caché dans son congélateur, ce cadavre lui permet de tenir jusqu’au cas suivant. Et à la récompense l’accompagnant…
On s’en doute, ce roman est sanglant, violent parfois. Volontiers dérangeant. Quel chemin parcouru depuis l’apparition du Hannibal Lecter de Thomas Harris (trente ans, déjà) ! Fini, dorénavant, le rôle de simple témoin extérieur à l’action. Comme dans la série Dexter, qui invite le spectateur à suivre les pensées et les actes d’un tueur en série, avec Mange tes morts, le lecteur est plongé dans l’esprit, bien affûté, certes, mais complètement dérangé, d’un homme incapable de contrôler ses pulsions, incapable de lutter contre sa faim inextinguible, son addiction au steak humain bien saignant. Le portrait d’un héros repoussant, en somme, dont l’auteur se sort avec les honneurs, parvenant à rendre son personnage suffisamment attachant pour ne pas décourager les plus sensibles, tout en insérant quelques scènes réellement gore.
L’enquête en elle-même s’avère en revanche moins convaincante, un brin simpliste malgré les errements, les fausses pistes et un lot de surprises dosées. Les dons de Timothy, présenté comme un petit génie, sont régulièrement mis à mal, et certains passages laissent clairement entrapercevoir les ficelles. En fait, l’auteur semble avoir hésité entre la narration d’un enlèvement et le portrait d’un monstre — avant d’opter finalement pour le monstre. Comme si Jack Heath, pour son premier roman adulte (l’auteur s’est illustré dans les récits pour la jeunesse), avait lancé les prémisses d’une série et voulu avant tout proposer un héros solide et crédible. Un choix dont il est ici permis de douter.