Mike Resnick est décidément un écrivain surprenant, capable du tout-venant comme du très ambitieux (de la trilogie du Faiseur de veuves à Projet miracle ou encore Kirinyaga). L'Afrique, son champ d'inspiration principal, est aussi un moteur, et ses œuvres « africaines » ont plus de chance d'être ambitieuses.
Pourtant, Markham ou la dévoration se situe un peu à la croisée des chemins. Markham, un célèbre journaliste, spécialiste des paris fous, veut retrouver Michael Drake, un chercheur qui a déjà éradiqué plusieurs épidémies et qui a depuis disparu. Or, une variété mutante de l'ybonia, une terrible maladie, décime la population humaine de plusieurs systèmes stellaires. Markham, un homme ambigu, aussi détestable qu'il est professionnel, engage Stone, un guide réputé, pour monter une expédition sur Bushveld, où l'on aurait aperçu Drake pour la dernière fois, quinze ans plus tôt. Dans cette jungle en grande partie inexplorée, le voyage va bientôt tourner au cauchemar.
La trame du roman est simple, pour ne pas dire simpliste, et les clins d'œil aux expéditions (notamment anglaises) du siècle dernier sont très appuyés. Burton et Livingstone, entre autres, ne sont pas loin… Les péripéties s'enchaînent avec logique, mais sans originalité, vu le sujet choisi. Par contre, Resnick est toujours très à l'aise dans ses dialogues secs et nerveux, dignes d'un Hammett, et dans le dilemme crucial qu'il met en scène avec beaucoup d'aplomb à la fin du livre. En outre, le portrait du journaliste dévoré par l'ambition est un des plus acides et des plus dérangeants que j'aie jamais vus.
Un livre sans concession, dont la noirceur rachète le caractère convenu de l'intrigue. (Et voici bien une « critique ambiguë »…)