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Les critiques de Bifrost

Masha, la sans-utérus

Raphaël EYMERY
ÉDITIONS DES LUMIÈRES
19,00 €

Critique parue en juillet 2025 dans Bifrost n° 119

Ces temps-ci, l’horreur semble connaître un regain d’intérêt, de ce côté-ci de l’Atlantique comme de l’autre, et on ne peut que s’en réjouir après des années de traversée du désert pour ce genre. C’est dans ce contexte que nous revient Raphaël Eymery, dont on se souvient de Pornarina en 2017 (cf. critique in Bifrost 88), récit qui s’intéressait à une macabre prostituée à tête de cheval laissant dans son sillage nombre de victimes émasculées, et distingué par le prix Sade du premier roman. Huit ans plus tard, Masha, la sans-utérus vient ajouter une nouvelle figure dans la galerie monstrueuse de l’auteur.

Là où sa devancière découpait d’un coup de dent adroit le service trois pièces des hommes, Masha s’intéresse aux hommes vierges (ce qui lui vaut le qualificatif de parthénophile), en déversant sur eux ses entrailles putrides (ce qui lui vaut cette litanie de surnoms : « Masha la laide, l’abjecte, la nécrosée ; la sans-lait, la sans-viande, la sans-utérus ; Masha le ventre ouvert, le sac de fientes ou le paquet d’entrailles noires ; Masha la charogne, la morte déterrée, la carcasse calcinée ; cadavéreuse, sordidissime Masha… »). Plutôt beurk.

Augustin est l’un de ces hommes traumatisés par Masha. Désormais vieillard, Augustin n’est pas pour autant guéri, et le contact des corps féminins lui reste insupportable — le réceptacle de ses ardeurs n’est autre qu’une poupée gonflable répondant au nom de Stoya. C’est justement en compagnie de la love doll et de son ami Lucian qu’Augustin va se rendre dans une ville d’Ukraine, Malampia, où se dresse l’Institut des sciences traumatiques. Là-bas, la psychothérapeute Rachilda ambitionne de le soigner. Jusqu’au moment où Augustin disparaît. Lucian, lui, va peu à peu s’amouracher de la docteure, jusqu’à lui faire un enfant… et être hanté à son tour par une autre figure terrifiante.

Mariant les registres, incluant volontiers dans le récit de vrais-faux articles ou critiques de films, mélangeant figures fictives ou réelles (les victimes de Jack l’Éventreur ou le dessinateur/sculpteur Hans Bellmer), Masha, la sans-utérus est un malaisant concentré d’horreur peuplée d’hommes frêles et obsédés, et de femmes partageant toutes une même féminité inquiétante, voire monstrueuse.

Fascinant par son horreur au départ, Masha… finit toutefois par décevoir, la faute à une intrigue ténue — défaut dont souffrait déjà Pornarina — et un facteur horrifique qui s’épuise. Au bout du compte, le roman s’éparpille, à la manière des viscères de son personnage-titre. Dommage.

 

Erwann PERCHOC

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