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Les critiques de Bifrost

Maul

Maul

Tricia SULLIVAN
AU DIABLE VAUVERT
560pp - 23,00 €

Bifrost n° 63

Critique parue en juillet 2011 dans Bifrost n° 63

Tricia Sullivan fait partie de cette génération d’écrivaines apparues dans le milieu de la science-fiction américaine durant les années 90, et dont les rares à avoir été traduites en France (Patricia Anthony, Valerie J. Freireich, Kathleen Ann Goonan ou Linda Nagata) n’y ont guère rencontré de succès, malgré d’indéniables qualités le plus souvent. Maul est son quatrième roman paru outre-Atlantique, et le moins que l’on puisse dire est qu’il se distingue singulièrement du reste de la production courante.

Maul suit en parallèle deux intrigues qui, s’il est très tôt établi qu’elles entretiennent des liens étroits, resteront distinctes l’une de l’autre jusqu’au terme du récit. Dans la première, située dans un futur indéterminé, la quasi-totalité de la population masculine de la planète a disparu, victime d’une pandémie. Quelques privilégiés vivent pro-tégés dans des castellations, milieux de villégiature, mi-usines à sperme ; d’autres moins chanceux, comme Meniscus, servent de cobaye à des expériences scientifiques.

L’autre trame du récit se déroule dans un monde semblable au nôtre, dans une ambiance se situant quelque part entre Sex & the City et Baise-moi de Virginie Despentes. Lorsque Sun Katz et son gang de filles tombent sur une bande rivale au centre commercial, la situation dégénère très rapidement et des coups de feu sont échangés, semant la panique parmi la clientèle. Commence alors entre Katz et les autorités un jeu du chat et de la souris qui va se poursuivre tout au long du roman.

Maul brasse quantité de thèmes d’actualités, donne corps à diverses peurs contemporaines : pandémies, violence urbaine, consumérisme effréné, droit à l’image ou manipulations génétiques, les sujets évoqués ne manquent pas. Malheureusement, Tricia Sullivan ne va jamais au cœur des choses et se contente de mettre en scène de manière souvent provocante ces différents éléments. Dans un premier temps le procédé fonctionne, et donne lieu à quelques passages marquants — de ce point de vue, les premières pages du roman sont absolument parfaites —, mais très vite le récit se met à tourner en rond, à l’instar de Sun Katz, coincée au cœur du centre commercial, ou de Meniscus, prisonnier de sa cellule, et l’auteure n’a au final guère d’autre choix que de lancer son roman dans une surenchère qui frôle l’hystérie lors des derniers chapitres. Ajoutez à cela des personnages pour lesquels il est impossible d’éprouver la moindre empathie, se comportant comme des automates dénués de toute émotion et de la moindre trace d’intelligence, et vous obtenez un livre qui, malgré quelques scènes chocs et une écriture en parfaite adéquation avec son sujet (soulignons au passage la remarquable traduction de Diniz Galhos), parvient difficilement à masquer sa vacuité. On sort de cette lecture épuisé, mais loin d’être comblé.

Philippe BOULIER

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