En 1867, Kostya, dix ans, est l’enfant atypique d’une famille nombreuse qui vit plutôt chichement à Riazan, dans la rugueuse Russie centrale. Tout en jouant aux jeux des garçons de son âge, ce turbulent et remuant gamin s’intéresse aux locomotives à vapeur, au point de les reconnaître au bruit, et rêve tellement d’aller plus vite et plus haut qu’il se passionne pour la mécanique céleste. Mais comment un fils de bûcheron saurait-il sortir de sa condition pour devenir un jour celui qui rendrait possible le roman de Jules Verne envoyant des hommes sur la Lune ?
Devenu dur d’oreille suite à une scarlatine, et de ce fait refusé à l’école, Tsiolkovski étudiera en autodidacte à la bibliothèque de Moscou, tout en souffrant du froid et de la faim, puis deviendra un professeur de mathématiques et de physique original, faisant éprouver à ses élèves la taille et les distances des objets célestes via diverses activités…
Mécaniques du ciel n’est pas un roman de science-fiction, mais s’inscrit à la marge, dans la mesure où il relate, en trois parties, l’enfance, l’adolescence et la jeunesse de Constantin Tsiolkovski, accessoirement auteur de science-fiction (Rêves de la terre et du ciel, 1895, et Au-delà de la terre, 1920), mais surtout père de l’astronautique moderne pour avoir décrit le mode de propulsion des fusées à base de propergol liquide, prévu la séparation en plusieurs étages et calculé le rapport de la masse lors de l’accélération (équation de Tsiolkovski), imaginé l’astéroïde évidé comme engin de transport et esquissé la notion d’ascenseur spatial.
Pas d’équations ni de pesantes explications : il s’agit d’un roman d’apprentissage. Bullough montre des tableaux plus qu’il ne raconte des scènes ; les épisodes de la vie romancée de Tsiolkovski s’interrompent parfois en pleine action, plantant dans l’esprit du lecteur une saisissante image synthétique. L’attaque des loups, la description d’un bordel de ville, les rigueurs de l’hiver sont narrées avec brio. La restitution de la vie campagnarde dans la Russie profonde, pour le moins miséreuse mais non dénuée de joies champêtres, rend plus remarquable encore la volonté et la ténacité d’un gamin fantasque acharné à rendre réels ses rêves. Le récit interrompu en 1881, raconte dans sa conclusion la première sortie dans l’espace, émouvante mais éminemment périlleuse, par Leonov, en mars 1965, aboutissement des rêves de Tsiolkovski. Derrière la poésie et la légèreté du récit, une belle méditation sur les forces que l’imaginaire peut mettre en branle.