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Les critiques de Bifrost

Mémoires d’outre-mort

Christopher BUEHLMAN
HUGO ET COMPAGNIE

Critique parue en octobre 2019 dans Bifrost n° 96

Les vampires sont des pauvres types comme les autres. C’est la conclusion qui ressort à la lecture du nouveau roman de Christopher Buehlman (après Ceux de l’autre rive, qu’on avait plutôt apprécié dans les pages bifrostiennes de notre 73e livraison, et Entre ciel et enfer, qui avait bien moins convaincu – in Bifrost 81). L’écrivain nous amène à New York, en 1978, sur les pas de Joey Peacock, transformé en vampire au début des années 30, alors qu’il n’était encore qu’un adolescent. Un demi-siècle plus tard, l’éternel gamin traine dans les bas-fonds de Manhattan, passant ses journées à dormir dans quelque recoin du métro et ses nuits à chasser. Comme ses congénères, Joey évite de tuer ses proies et se contente de leur prélever juste assez de sang pour se nourrir, avant de les hypnotiser afin qu’ils oublient tout de leur rencontre. Son seul objectif semble être de ne pas éveiller la suspicion de ses contemporains et de poursuivre éternellement sa petite routine vampirique.

Loin de l’image de prédateur que la littérature et le cinéma fantastique ont imposée au fil des décennies, le vampire selon Buehlman serait plutôt un nuisible, quelque part entre le cafard et le moustique. Un être médiocre et assez pitoyable, ce qui finirait par le rendre presque sympathique, surtout lorsque débarquent en ville de nouveaux arrivants, aux mœurs nettement plus bestiales, et qui vont réduire Joey et ses comparses au rang de proies.

Dans l’ensemble, les personnages de Mémoires d’outre-tombe sont assez bien campés, et on se plait à suivre la communauté qu’ils constituent dans leurs pérégrinations nocturnes. Malheureusement, le roman n’est pas pour autant exempt de défauts. À commencer par un démarrage poussif, qui s’étire sur plus d’une centaine de pages. Autant les séquences qui détaillent le quotidien de Joey servent à donner de l’épaisseur au personnage, autant le long flashback qui revient en détail sur sa transformation n’apporte pas grand-chose. Par la suite, le roman gagne un peu en rythme, mais il faut attendre son dernier quart pour le voir enfin s’emballer.

Par ailleurs, on peut s’étonner que l’écrivain ait choisi de situer son action en 1978 alors qu’il n’en tire quasiment aucun profit. Hormis quelques scènes anecdotiques (l’évocation d’un concert de Led Zeppelin, un rapide passage au Studio 54, quelques références culturelles ici ou là), le roman aurait pu sans mal se dérouler vingt ans plus tôt ou trente ans plus tard.

Au final, on ressort de cette lecture un poil frustré, avec l’impression que Christopher Buehlman n’a pas su concrétiser les quelques bonnes idées qu’il tenait. Pas désagréable, mais au bout du compte décevant.

Philippe BOULIER

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