Sous une couverture bleue de bon aloi, où se détachent par transparence les silhouettes de plusieurs mammifères marins, les éditions ActuSF ont exhumé pour la rentrée de janvier un roman de Hugo Verlomme, paru en 1978 chez JC Lattès. En glanant sur l’internet quelques informations sur l’auteur, on découvre que celui-ci a écrit de nombreux ouvrages consacrés à la mer, des romans dont beaucoup émargent du côté de la jeunesse, mais aussi des guides dédiées à l’univers marin, au surf et au voyage. Bref, une œuvre qui semble toute entière baigner dans l’écologie, avec comme milieu de prédilection la part aquatique de la planète bleue. Mermere, dont le titre ne laisse planer aucun doute, immerge sans préambule le lecteur dans un futur pas si éloigné de notre présent. L’élévation du niveau des océans y a redessiné les côtes, repoussant l’humanité plus loin à l’intérieur des terres, sans pour autant avoir mis fin à ses nuisances qui continuent de s’écouler vers le large sous forme d’effluents toxiques et de plastiques. Et pourtant, mobilis in mobile, les noés veillent à l’équilibre marin, loin de la folie des terrestres, mais non sans susciter leur crainte et leur hostilité. Noah, Horn, Masha, Noémi, Loul et bien d’autres, toute une communauté a trouvé refuge sur les pentes d’un volcan sous-marin. Humains adaptés à la vie aquatique, transfuges échappés des mégalopoles terrestres où ils étouffaient, dauphins, orques et baleines, tous forment un collectif vivant sous la menace de terrestres n’ayant pas renoncé à leur mode de vie destructeur, sous le regard des étoiles, où d’autres planètes les attendent. Peut-être.
Le propos new age de Hugo Verlomme n’aura sans doute pas échappé au lecteur attentif. Le discours écologiste transparaît en effet rapidement, la terre mère étant ici remplacée par l’eau salée des océans, substitut au liquide amniotique d’où a émergé la vie. Mais, si le côté baba cool attire la sympathie, le discours un tantinet antiscience, perclus de pensée magique, de Mermere, a de quoi agacer, venant sans cesse achopper sur le même écueil qui consiste à assimiler la technologie au mal absolu. Indépendamment de ce point fâcheux, Mermere est également un roman extrêmement mal construit, pâtissant d’un déséquilibre entre deux parties pesant respectivement 200 et 50 pages. Même en passant sur les multiples personnages dont le charisme d’huître ne déparerait pas dans un roman jeunesse de la pire espèce, on ne peut guère sauver grand chose de ces poncifs auxquels on ne s’attache pas un instant. Quant à l’intrigue, on doit se contenter d’un long récit d’aventures sans queue ni tête, certes jalonné de quelques fulgurances poétiques, mais dont le rythme décousu, dépourvu de tension dramatique, donne envie à plusieurs reprises de s’exclamer : c’est assez ! Fort heureusement, le respect dû aux mammifères marins nous oblige au silence.
Si Mermere suscite une curiosité polie, l’enthousiasme espéré ne tarde pas à céder la place à un ennui abyssal contraignant le chroniqueur à se murer dans un monde de silence, accablé. À noter que Hugo Verlomme est revenu dans l’univers des Noés avec un second roman intitulé Sables, les enfants perdus de Mermere. Inutile de dire que l’on n’épuisera pas le marché de l’occasion pour le retrouver.