Metro 2033 est le premier roman traduit en français du journaliste russe Dmitry Glukhovsky, roman qui, en Russie, fut initialement publié sur la Toile et enrichi suite aux commentaires des internautes… Le livre a également donné lieu à l’édition d’un jeu vidéo du même nom (sur PC et XBOX 360) paru en France en mars 2010. Autant dire qu’au regard de tels éléments, une certaine prudence s’impose…
L’histoire… Début du XXIe siècle : holocauste nucléaire. Irradiée, la surface de la Terre est livrée aux horreurs mutantes. A Moscou, quelques survivants se réfugient dans le métro. Vingt ans plus tard, la pénurie s’est organisée dans les stations moscovites en communautés idéologiques, religieuses ou politiques (quatrième Reich, confédération 1905, ligne rouge…). Artyom, jeune adolescent naïf et anonyme de la station indépendante VDNKh, se voit confier par un stalker la mission d’informer Polis, l’Etat-major général, cœur politique et militaire de la communauté, du risque d’invasion imminente du métro par une race de mutants aux pouvoirs particuliers : les noirs (non, ce n’est pas ce que vous croyez !). La lente et angoissante progression du héros lui fera traverser tous les dangers : radioactivité, mutants sanguinaires, risques biologiques et psychiques, effondrements, cannibalisme, enrôlement sectaire, pédagogie néonazie… La totale, en somme !
Bon… Première difficulté : il faut un certain temps d’adaptation pour se familiariser avec le nom des stations et des personnages (eh oui, ça se passe à Moscou et c’est plein de Russes !). Merci donc à l’éditeur pour les plans de métro sur les rabats de couverture, totalement indispensables, même si on a très vite fait de s’y perdre…
Deuxième difficulté… eh bien, y’en a pas. Parce que passées les cent premières pages, on entre en définitive assez facilement dans l’univers de l’auteur (merci le traducteur, mais on y reviendra plus loin).
Metro 2033 aurait pu s’avérer un énième et simple récit où le cœur de l’intrigue tient dans le nombre de zombies explosés à coup de kalachnikov. C’est toutefois beaucoup plus que ça. Nous avons entre les mains un roman efficace et intelligent.
Sans aucune complaisance théorique, intellectuelle ou partisane, Glukhovsky égrène une bonne partie de l’histoire politique, religieuse, sociologique et sociétale de la Russie (enfin, autant qu’on puisse en juger) et inscrit définitivement son livre dans la veine des bons romans dystopiques d’anticipation (une veine dystopique décidément à la mode). Récit d’aventure habité de personnages fouillés et attachants, servi par des descriptions envoûtantes (les scènes d’exploration de la surface par les stalkers sont particulièrement réussies), une ambiance glauque à souhait, un contexte savamment décrit et distillé, pour finalement se muer en quête initiatique dont la chute, sans être révolutionnaire, ne manque pas d’efficacité et ouvre sur tous les champs des possibles… oui, Metro 2033 fonctionne, et plutôt bien.
Par ailleurs, on se plaint assez dans les présentes pages de la qualité médiocre de certaines traductions (voire de leur qualité suicidaire, quand elle lamine un texte original finalement plutôt bon) pour ne pas manquer de saluer un travail remarquable quand il se présente. Et c’est bien le cas de la transcription de Denis E. Savine, qui restitue ici un récit juste, fluide et homogène. Chapeau et merci.
Unique petit bémol, le roman tire parfois en longueur et aurait gagné à être plus incisif (une bonne centaine de pages superflues, ça fait tout de même beaucoup). Ceci étant, ne doutons pas que d’autres lecteurs, fascinés par l’univers de Glukhovsky, y trouveront leur compte et seront ravis d’apprendre qu’il existe même une suite : Metro 2034.
En conclusion, nous tenons là un bon roman de S-F post-apocalyptique intelligent et musclé. Aussi pourquoi s’en priver ?