Michel DOUARD
LA MANUFACTURE DE LIVRES
272pp - 18,90 €
Critique parue en avril 2016 dans Bifrost n° 82
2048 : la guerre est devenue un spectacle, un vrai, télévisé et mis en scène. Avec ses prétextes (un différend quelconque entre deux états) et ses vedettes. Dont Gros Luc, ami du narrateur. Un paquet de muscles sans trop de cervelle, dirigé par le micron noir, la drogue qu’il avale à longueur de temps. Sur le terrain de combat, une vraie bête. Dans la vie, un boulet phénoménal au pied de son ami. Malgré la gloire et l’argent, il saute d’une combine foireuse à une autre. La dernière en date : servir d’intermédiaire dans un trafic de micron noir. Le doigt dans un engrenage explosif. La Famille et une sorte de secte militaire sont à ses trousses. C’est parti pour une course-poursuite à multiples inconnues. Seule certitude : Gros Luc doit mourir.
Question classification, Micron noir n’est définitivement pas de la SF. Le choix de l’année et les premières pages ne sont qu’un prétexte. L’étude d’un monde dirigé par la télévision et ses spectacles sans morale n’intéresse par Michel Douard. Il nous brosse en quelques phrases le portrait d’une société déliquescente, simple toile de fond pour la descente aux enfers de ses héros. Et le roman plonge rapidement ses pas dans celui des polars à la papa, mais sous amphétamine. Un croisement entre les intrigues à la Audiard (pas dans sa meilleure période) et certains films américains de série B. On y retrouve, et c’est ce qui fait le sel du bouquin, une galerie de personnages hauts en couleur. À commencer par le copain porte-poisse, emmerdeur version allégée de Jacques Brel dans le film de Molinaro ; ou le méchant aux réactions imprévisibles déjà croisé cent fois, avec ses mimiques et ses exagérations (il va lui exploser la cervelle ou juste faire « bang » et éclater de rire ?) ; mais aussi l’ami du père qui vit dans une cabane immonde loin de toute civilisation et sans même une télévision digne de ce nom. Et la liste ne s’arrête pas là.
Des stéréotypes, donc, à tire-larigot, dans une histoire peu originale. Micron noir n’est pas une lecture ennuyeuse, loin de là. Arriver au bout n’a rien d’un pensum, mais il n’y a décidément pas de quoi casser trois pattes à un canard (même sauvage).