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Les critiques de Bifrost

Midnight movie

Midnight movie

Tobe HOOPER
MICHEL LAFON
254pp - 17,95 €

Bifrost n° 64

Critique parue en octobre 2011 dans Bifrost n° 64

Tobe Hooper est incontestablement l’un des plus célèbres réalisateurs de films d’horreur. Mais contrairement à certains autres maîtres du genre, comme John Carpenter ou George Romero, il doit l’essentiel de sa réputation à un seul et unique film, vieux de bientôt quarante ans : Massacre à la tronçonneuse. Un phénomène tel qu’il a éclipsé le reste de sa filmographie. Certes, Hooper n’a pas tourné que des chefs-d’œuvre, il est même responsable de quelques gros ratages (Lifeforce, le remake d’Invaders from Mars) et de quantité de choses médiocres tombées depuis dans l’oubli (qui se souvient de Spontaneous Combustion, Red Evil Terror ou Night Terrors ?). Mais le cinéaste a également signé quelques excellentes série B, qui, si elles mettent en scène divers psychopathes meurtriers (l’aubergiste du Crocodile de la mort, les forains déjantés de Massacre dans le train fantôme, sans oublier le retour de Leatherface et de sa petite famille dans Massacre à la Tronçonneuse 2), intègrent également d’authentiques moments de comédie. Qu’il joue avec les conventions du genre comme dans Massacre dans le train fantôme, ou qu’il s’amuse de tous les clichés attachés aux rednecks texans qui peuplent Massacre à la Tronçonneuse 2, dans les meilleures œuvres du réalisateur, le second degré occupe une place aussi importante que l’épouvante. Et c’est ce mélange des genres que l’on retrouve dans Midnight Movie.

J’ignore quelle part a joué Tobe Hooper dans la conception et l’écriture de ce roman, mais il en est en tout cas l’un des deux personnages principaux, l’autre étant Destiny Express, film qu’il est censé avoir tourné alors qu’il était encore adolescent. Un court-métrage que l’on croyait perdu, jusqu’à ce qu’un organisateur de festival mette la main sur une copie et invite le réalisateur à une projection publique dans une salle miteuse d’Austin, Texas. Le film en question s’avère être un invraisemblable navet, filmé en dépit du bon sens, mais au cours de la séance, Hooper est témoin de comportements étranges de la part des spectateurs. Et dans les jours suivants, la situation ne cesse d’empirer…

Pour décrire la pandémie qui va se développer au fil des pages, Tobe Hooper et Alan Goldsher ont eu la bonne idée de faire de leur roman un collage d’articles de journaux, d’interviews ou d’extraits de blogs, d’échanges de courriels et de discussions sur les réseaux sociaux, de carnets intimes ou de rapports de police. On pense au procédé utilisé par Max Brooks dans World War Z, mais Midnight Movie offre de ce point de vue une plus grande variété de tons. En outre, il permet de suivre l’évolution de la maladie jusque dans ses manifestations les plus intimes et les moins ragoûtantes. Et dans ce registre, les auteurs s’en donnent à cœur joie, nous décrivant dans le détail les pulsions sexuelles ou anthropophages qui assaillent soudain les victimes du virus, et mettant en scène quelques passages gore des plus goûtus. On ne comprend pas vraiment comment la projection de Destiny Express a pu être à l’origine du monumental chaos qui nous est montré, et on comprend encore moins comment Hooper va réussir à y mettre un terme, mais entre les deux, pour peu qu’on ait l’estomac solide, on s’amuse beaucoup. Nul besoin d’ailleurs de connaître par cœur la filmographie du réalisateur pour apprécier le roman, il n’y est presque jamais fait référence. Les fans, de leur côté, auront le plaisir de retrouver un Tobe Hooper en pleine forme, dans un exercice inédit mais un registre familier.

Philippe BOULIER

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