Contre-pied de son précédent roman, le contemplatif et post-apocalyptique Cygnis, Mimosa cueille le lecteur à froid avec un cocktail survitaminé d’action, de violence et d’ironie postmoderne. Un déchaînement pyrotechnique, sonore (playlist consultable ici : < http://mimosaworld.wordpress.com/ >) et technoscientifique, au final très visuel, pour ne pas dire cinématographique au vu des allusions filmographiques et télévisuelles. Mimosa apparaît rapidement comme une succession de fausses pistes, de coups de théâtre, de saillies drolatiques à destination des geeks, de private jokes et de morceaux de bravoure un peu vains quand même. Ça cabotine, ça surjoue avec des gros guns, dans un état d’esprit potache et foutraque que ne désavoueraient pas Vincent Lagaf et Michael Youn.
Le roman commence sous les auspices du thriller mâtiné de SF. Un associé tué d’une balle dans la tête et un autre interné en centre psychiatrique, l’affaire ne pouvait pas plus mal commencer pour Two Guns Company & Associates, l’agence que Tessa dirige avec des gros flingues. Et comme si cela ne suffisait pas, la police de Santa Anna, en particulier deux flics, sosies de Sean Astin et de Harry « Dirty » Callahan, lui cherche désormais des noises. Tout cela à cause d’un enregistrement mémoriel, seule piste dont elle dispose pour mener l’enquête à son terme. Il en faudrait bien sûr davantage pour décourager Tessa, vraie personne dotée d’une authentique personnalité. Pas le genre à copier un acteur, un chanteur ou toute autre célébrité, comme le font ses concitoyens. Car dans l’univers de Mimosa, copier les choses ou autrui semble être devenu la règle. Copie de viande, de bois et de personnalité. Rien de plus simple puisque la technologie — bio-ingénierie, chirurgie plastique, câblage du système nerveux — permet des miracles.
Abandonnant le registre du thriller, mais toujours avec des gros flingues (bis), Vin-cent Gessler opte ensuite pour une intrigue plus intime, focalisée sur la quête d’identité de Tessa. Les certitudes de la jeune femme s’effondrent. Elle, la meneuse d’hommes dont la frêle silhouette cache une condition physique à faire pâlir un marathonien et les ressources d’une machine à tuer. Elle doute d’elle-même… A grand renfort de clones, d’IA et de sosies — Gessler frôle ici l’introspection, flirtant avec quelques pistes de réflexion prometteuses. Pas longtemps. On retourne au charbon, le thriller ayant entretemps mué en affrontement, en conflit généralisé. On se bat à l’arme lourde dans les rues de Santa Anna. On s’entretue, on s’élimine, on s’annihile… Bref, on défouraille dans un déballage de gros flingues (ter). Mais tout ceci n’empêche pas le rythme d’accuser d’importants coups de mou, principalement à cause d’un humour perclus de clins d’œil envahissants. Et la montagne accouche d’une souris que l’on avait vue venir depuis cent pages…
Au final, sous couvert de réflexion sur l’identité et sur la mémoire, Mimosa s’avère un divertissement anecdotique et dispensable. Un mille-feuilles indigeste contredisant la quatrième de couverture. Mimosa ne joue en effet que de manière superficielle sur la forme du roman. Il joue surtout avec la bienveillance du lecteur. Passons…