Dans La Tour des rêves, précédent roman de l'auteur critiqué dans le n° 26 de votre revue préférée, on suivait la quête de Blaine Ramsey, prospecteur en archétypes et occidental bon teint désireux de sauver la belle actrice égyptienne Aïda de ses tortionnaires, le tout sur fond d'immeubles qui se pètent la gueule. Dans Mirages lointains, on suit l'immersion de Wayne Dolan dans un environnement particulier, celui de la Fondation Deriwelle : un ramassis de savants (fous pour la plupart) qui cherchent à prouver que Dieu existe ou, au contraire, qu'il n'existe pas. Voilà donc le point de départ de ce roman de trois cents pages (ajoutez à cela une maison sur la plage et vous aurez le décor), sauf que Jamil Nasir ne nous raconte pas cette histoire-là. Il nous en raconte une autre — la sienne sans doute —, celle d'un homme qui essaye de survivre à son divorce, de finir son dernier livre de science-fiction et d'en mettre un petit coup à la fille soyeuse (son fantasme portatif ; une vulgaire pute de luxe en fait). Un homme qui, d'être trop resté adolescent, ne va pas tarder à tomber amoureux d'une insupportable junkie. Une mante religieuse infirme qui va, peu à peu, emporter Wayne avec elle dans sa spirale autodestructrice.
Livre dickien, psychothérapie rémunératrice, réflexion sur Dieu, l'amour et les filles trop belles, Mirages lointains est tout ça et bien plus encore (la beauté est le plus traître des mirages). Malheureusement, une fois l'ouvrage terminé, la frustration est importante car l'auteur ne répond à aucune des questions science-fictives qu'il pose, préférant répondre aux autres et explorer les confins de sa sexualité déclinante. Dans le même genre, avec franchement plus d'action, j'avais préféré Mysterium de Robert Charles Wilson, petit chef-d'œuvre traduit lui aussi par Pierre-Paul Durastanti. Mirages lointains n'est pas un mauvais livre, surtout en regard du reste de la production, c'est juste un livre étrange, déconcertant et axé principalement sur le traumatisme que constitue un divorce. Autre problème, il s'agit d'un ouvrage qui ne commence réellement qu'à la page 112, de quoi laisser bien des lecteurs en chemin.