La technologie a transformé notre rapport au monde. Nos smartphones actuels sont plus puissants que les premiers ordinateurs personnels. Les applications qu’ils contiennent permettent de dialoguer en direct, d’envoyer des photos, d’interagir en permanence sur les réseaux sociaux. D’énormes quantités de données s’échangent et se vendent en continu. Et les assistants personnels virtuels sont devenus incontournables. Imaginez un dispositif combinant un smartphone, un bracelet qui surveille votre état physique, un programme de réalité virtuelle, une paire de lunettes capable d’enregistrer, une oreillette pour entendre les suggestions d’un assistant personnel. Tous ces objets connectés existent déjà. Karl Olsberg y adjoint une intelligence artificielle, basée sur un réseau neuronal, capable d’apprendre à partir des données qu’elle engrange. Le Mirror est conçu pour aider ses possesseurs à prendre la meilleure décision, qu’elle soit professionnelle ou personnelle. Au début, ce dernier fait des miracles. Il sauve le père de son concepteur d’un choc anaphylactique, aide un enfant autiste à décoder les émotions des autres et à s’intégrer dans une société calibrée par et pour les neurotypi-ques. Il répond à une ambition : que son propriétaire devienne la meilleure version de lui-même. En parallèle, il a besoin de con-naître intimement son propriétaire. Avide de données, il pousse d’ailleurs ses utilisateurs à lui en fournir de plus en plus et donne pour consigne de ne pas l’éteindre, de porter toujours les accessoires fournis. Progressivement, ses conseils se font de plus en plus insistants et ses propositions ne visent plus uniquement le bien-être de ceux qui s’en servent. Le Mirror devient intrusif, avec la complicité passive de ses utilisateurs. Et lorsqu’une journaliste un peu trop curieuse s’intéresse à ses dérives et soupçonne un potentiel éveil de conscience, il semble manipuler les masses pour se défendre, sur le modèle – assumé par l’auteur – de Skynet dans Terminator.
Mirror, thriller d’anticipation à court terme autour de l’IA et de l’hyperconnexion, surprend peu mais se lit facilement. Karl Olsberg opte pour une narration à multiples points de vue qui lui permet d’explorer les conséquences positives, puis négatives, des innovations technologiques, de l’addiction aux réseaux sociaux à la perte du libre-arbitre en passant par les phénomènes de harcèlement numérique. Bien qu’il ne soit pas technophobe, l’auteur ne se montre guère optimiste dans sa postface. Il est déjà trop tard pour changer le cours du monde. L’être humain n’est plus en capacité de dire non aux suggestions des technologies, de porter un regard critique sur ces dernières ou de s’affranchir de la facilité et du confort qu’elles procurent.