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Les critiques de Bifrost

Miska

Miska

Eva MARTIN
CRITIC
700pp - 23,50 €

Bifrost n° 114

Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114

La Caldécie, île aux dimensions d’un continent, ses provinces unies au sein d’une solide fédération, vit en paix. La seule ombre au tableau, ce sont ces voiles blanches inconnues, entraperçues récemment sur l’océan, loin à l’ouest. Des voiles qui ne devraient pas être là, puisqu’un puissant tourbillon empêche toute navigation loin des côtes, sous peine de sombrer dans les abyssales profondeurs de l’océan.  Décision  est  prise d’envoyer une délégation à la rencontre de ce peuple venant apparemment  d’au-delà  du maelström. Le capitaine Dacien et ses hommes font partie de l’expédition. Laquelle tourne au fiasco : ces nouveaux venus – les Kinoshs – n’ont que faire de la verroterie apportée par les Caldéciens et, bénéficiant d’une technologie et d’une magie supérieures, envoient par le fond les navires de la délégation. Pire encore, ils foncent vers la ville portuaire d’Assale. Lorsque Dacien et les rares survivants de l’attaque parviennent à regagner celle-ci, c’est pour la découvrir conquise, les envahisseurs régnant par la terreur. Dacien et ses compagnons décident de résister, du moins à leur échelle. Mais comment faire lorsque l’ennemi semble invincible, avec ses armes à feu et ses redoutables sortilèges ? Lorsque les décisions de Dacien semblent toujours entraîner des conséquences désastreuses ? Peut-être tabler sur les dissensions au sein des Kinoshs ?

Miska commence de manière tranquille, avec ce qu’il faut de bruit, de fureur et d’injustices pour maintenir l’attention. C’est au bout de cent cinquante et quelques pages, lorsqu’Eva Martin nous présente le point de vue des Kinoshs, que le roman prend une autre dimension et devient alors vraiment intéressant. Les questions de la colonisation, de la résistance, des compromissions sont abordées, sans que l’aventure n’en pâtisse.

Dans ses grandes lignes, Miska rappelle le deuxième volet (découpé en deux tomes sous nos latitudes, sous les titres Le Goût de la victoire et Le Mur de tempêtes) de la « Dynastie des Dents-de-Lion » de Ken Liu : une vaste île ; un envahisseur puissant venant d’un ailleurs censé ne pas exister. La ressemblance ne va pas plus loin. Si la Caldécie évoque volontiers l’Europe au tournant du Moyen- ge, la découverte de la civilisation kinoshe – ses rituels, ses problématiques cruciales – procure ses moments d’émerveillements, et le personnage d’Azalon restera en mémoire. Eva Martin raconte son histoire à hauteur de personnages, dans la saleté, la boue, la malchance et les mauvaises décisions. Pour l’héroïsme et l’épique, il faudra repasser. Malgré tout mené tambour battant, Miska pourra laisser un sentiment de regret avec sa fin très (trop) abrupte. Dommage, cela aurait été un sans-faute. Reste un premier roman à la hauteur de ses ambitions : celle d’être un bon récit d’aventure, de ceux dont on tourne les pages avec voracité. Ce n’est pas si courant : autant en profiter.

Erwann PERCHOC

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