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Les critiques de Bifrost

Moi et le diable

Moi et le diable

Nick TOSCHES
ALBIN MICHEL
432pp - 22,90 €

Bifrost n° 81

Critique parue en janvier 2016 dans Bifrost n° 81

Old Nick, écrivain new-yorkais âgé de soixante-cinq ans, plutôt aisé, aime les jeunes filles, dix-neuf ans, vingt ans (toute ressemblance avec l’auteur du roman est évidemment fortuite). Il aime les baiser, il aime les fouetter et il vient de découvrir, sur le tard, qu’il aime boire leur sang. Un sang jeune, puissant, qui va faire passer le vieux Nick de l’autre côté de l’Humanité, de l’autre côté de la Vie. Car le sang peut vaincre la mort.

Ainsi pourrait-on résumer Moi et le diable, réduire en une intrigue famélique un roman épais et majestueux comme le fleuve d’ichor qui relie le Purgatoire à l’Enfer. Cette compression nous pousserait, à l’évidence, à passer à côté de l’essentiel, qui n’est ni dans la colonne vertébrale de l’intrigue, ni dans sa classique ligne de force qui mène du mortel à l’immortel. De digression en digression, Nick Tosches s’affranchit de tous les codes de la littérature de genre (à l’instar de Glen Duncan dans Moi, Lucifer) et nous propose à la place une œuvre blasphématoire et audacieuse, choquante. Un roman qui traverse et relie toutes ses thématiques comme une fine lame de couteau enfoncée dans cinquante tranches de carpaccio premier choix. Avec un franc-parler, une limpidité stylistique et un art de la provocation qui rappellent Charles Bukowski, Tosches ouvre toutes les portes, toutes les chairs. Du sexe à la folie, de l’amour à la mort, de la vieillesse à la jeunesse, de la médecine à la magie, de l’alcoolisme au sexe-addictisme, il nous expose le caché, l’intime, l’inavoué, l’inavouable.

Moi et le diable est un délicieux carnage, un festin de viande tendre et saignante, baignant dans le sperme et les sécrétions vaginales. S’y mélangent et dansent comme des sorcières au clair de lune : Keith Richards, le Baclofène, le pacte faustien, les couteaux de collection, la littérature mondiale, les quartiers de la Grosse Pomme, le vampirisme, l’opium, la nourriture italienne et tout un tas de jeunes new-yorkaises paumées ou névrosées.

Pour lecteurs avertis ? Oui, tout comme Salo et les 120 journées de Sodome reste à réserver aux spectateurs avertis. Grand livre tordu pour esprits jouisseurs, grand livre jouissif pour esprit tordus, peu importe… Grand livre (servi par une traduction remarquable).

Thomas DAY

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