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Les critiques de Bifrost

Moi, Lucifer

Glen DUNCAN
DENOËL
286pp - 21,00 €

Critique parue en janvier 2012 dans Bifrost n° 65

Contrastée.

Telle est l’impression laissée par la lecture de ce roman, premier livre traduit (mais troisième écrit, sur un total de huit à ce jour) par Glen Duncan, nouvelle trouvaille de la collection « Lunes d’encre » (trouvaille qui n’a rien à voir avec l’autre Duncan de ladite collection, prénommé Hal). Contrastée, donc. Car si cette autobiographie de Lucifer réserve quelques jolis morceaux de bravoures, affiche un humour politiquement incorrect salutaire (« Un des inconvénients de mon travail avec les nazis, c’était que leur cruauté risquait en permanence de causer leur perte, du fait que ses sous-produits (excellents) mettaient en danger le processus dans son ensemble. ») et une poignée de répliques d’une perfidie proprement… satanique, oui, il ne s’en dégage pas moins un ennui patent et finalement, tout de même, un sentiment, diffus, mais bien réel, de « tout ça pour ça… ».

Dieu propose un marché à Lucifer : passer trente jours dans la peau d’un humain, faire un peu le point, tranquille, ne pas tout péter, puis envisager sereinement l’option d’un rachat, d’une rédemption, pour regagner fissa le Paradis. Notre « bon » Lucifer récupère donc le corps d’un suicidé, un loser tout ce qu’il y a de loser, Declan Gunn (on notera l’anagramme du nom de l’auteur…), mauvais écrivain, amant médiocre doté d’une petite bite et d’un physique au mieux quelconque, et dont la vie, tant professionnelle que personnelle, se résume en un mot : minable. Autant dire que pour remédier à tout ça, Lucifer a du pain sur la planche…

Outre les déboires de Lucifer dans sa toute nouvelle défroque humaine (on l’a dit, quelques passages vont s’avérer croustillants, pour le moins), dites déboires narrées à la première personne, notre diable de héros digresse sans cesse sur son passé et l’histoire de l’humanité, un procédé si systématique qu’il en devient vite assez lassant (en dépit de quelques passages remarquables, notamment celui sur l’épisode de Pilate et la crucifixion, ou encore de Heinrich), les digressions engendrant d’autres digressions, le tout parsemé de points de suspension, d’exclamation et de parenthèses… Mwouais. Et au final, on s’en doute, nulle rédemption en prévision, même si un instant, on croit que… et un constat assez convenu sur la filiation Satan/Humanité doublé de la notion de liberté excluant celle de dieu, d’où le mal. Bon.

Restent, on l’a dit, quelques jolis passages et vrais moments de bravoure, deux trois éclairs (« l’Enfer, c’est l’absence de Dieu et la présence du temps ») et franches rigolades. C’est déjà pas si mal mais, pour tout dire, on attendra la sortie (annoncée) de The Last Werewolf chez le même éditeur pour se prononcer plus avant sur l’auteur…

Olivier GIRARD

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