Après les remarqués Galeux (cf. Bifrost 99) et Un bon indien est un indien mort (cf. Bifrost 109), Stephen Graham Jones revient dans nos contrées pour un roman d’horreur, au titre magnifique : Mon cœur est une tronçonneuse. Ce livre, couronné par le Bram Stoker Award, le Shirley Jackson Award et le Locus Award du meilleur roman d’horreur, est un hommage aux films d’horreurs, passion pleinement avouée de l’auteur.
Jade Daniels, adolescente en marge, « indienne » par son père, fan de slashers et aimant étaler ses connaissances cinématographiques est la pétillante et impertinente héroïne de ce récit. Du haut de ses 17 ans, elle passe tout au crible du cinéma de genre ; tout rentre toujours dans la grille de lecture qu’elle adopte pour voir le monde. Elle inventorie les éléments clés nécessaire ainsi que les rôles attendus – en premier lieu, celui de la final girl. Mais un jour, la réalité rattrape ses rêveries morbides et le sang commence à gicler dans son bled paumé de l’Idaho.
Par le biais de Jade, Stephen Graham Jones réalise en fil rouge un court magistral sur les slashers et gorge le récit d’anecdotes sur les tournages, les lieux, les personnages, les armes. Un véritable Hall of Fame du tueur en série. Pas besoin d’être fan de ce genre de films pour apprécier la lecture, mais il ne faut pas non plus y être hermétique – mais reconnaissons que le titre est assez explicite ! Au demeurant, une cinquantaine de notes de bas de page sont là pour aider à la compréhension, soit directement en lien avec des références horrifiques soit pour des histoires d’argot ou de culture spécifiquement US.
Les atermoiements de Jade ou son côté cabotin ralentissent par moments légèrement la narration, sans que cela soit rédhibitoire. Surtout qu’il s’agit là d’un effet de l’auteur pour nous laisser douter encore et encore. Le prisme de l’adolescente est-il le bon ? Ou bien se laisse-t-elle dépasser par son envie de jouer un vrai rôle dans le film de sa vie ?
Une plongée horrifique rondement menée. Stephen Graham Jones se régale et c’est agréable de l’accompagner, le livre dans une main. Et dans l’autre… l’arme de votre choix.