Quand un auteur obtient un grand succès, et c’est le cas pour Keigo Higashino dans le domaine du roman policier, on a tendance à fouiller dans les fonds de tiroir afin d’exhumer tout ce qui est publiable. C’est ce qu’ont fait les éditions Actes Sud, légitimes, pour le coup, tant elles suivent et font connaître au lectorat français depuis près de quinze ans l’œuvre du Japonais. Cette fois, c’est dans leur collection dédiée à l’Imaginaire, « Exofictions », que paraît ce roman de SF datant de 1998. Roman des débuts, donc. Ce qui ne manque pas de se ressentir dans la construction, très recherchée mais un brin confuse du présent récit.
L’intrigue est simple : deux hommes, de jeunes scientifiques brillants, travaillent sur la mémoire et la réalité virtuelle. Si chacun a choisi une voie différente au sein de la même entreprise, leur but est identique : créer une illusion telle que ceux qui s’y immergeraient auraient l’impression d’y vivre réellement. Tous deux progressent à leur rythme, jusqu’à une avancée décisive de Tomohiko qui disparaît des radars, d’un coup. Or, entre les amis se dressait une femme dont ils étaient bien évidemment amoureux l’un et l’autre. Sur ce schéma classique, Keigo Higashino monte une structure en parallèle, comme le titre l’indique : après le prologue, les chapitres et les scènes alternent. Comme si deux réalités parallèles coexistaient, avec des différences notables de l’une à l’autre. Au centre, manière de pivot, la potentielle histoire d’amour entre les deux jeunes gens et Mayuko, petite amie de Tomohiko dans un monde, et de Takashi, le narrateur, dans l’autre. D’ailleurs, l’auteur utilise tout au long du récit un pronom différent entre chapitre et scène : soit « je », soit « il », afin de renforcer la distance entre les deux réalités — tout en rapprochant le lecteur de l’une d’elle…
Pour tout amateur de SF un tant soit peu chevronné, l’ensemble devient vite assez transparent. On comprend ce dont il retourne, et l’intérêt se résume bientôt à deviner comment Higashino va débrouiller les fils et relier les deux réalités parallèles. Hélas l’ensemble, qui tient davantage de l’exercice intellectuel que du récit prenant et stimulant qu’on aurait espéré, s’avère malheureusement assez brouillon. Demeure une mise en bouche pour le reste de l’œuvre de cet auteur prolifique et doué, surtout dans le registre policier.